Des vitrines du Louvre aux réserves du British Museum, des galeries russes aux musées américains, les chefs d’oeuvre issus du patrimoine kazakh se comptent aujourd’hui par centaines hors du Kazakhstan. Un futur catalogue national ambitionne désormais de les identifier, de restituer leur histoire et de cartographier un héritage longtemps fragmenté entre les empires, les guerres et les grandes expéditions scientifiques.
Chefs d’oeuvre de l’art kazakh dans les musées occidentaux : un catalogue sera établi
Début décembre 2025, les autorités culturelles du Kazakhstan ont annoncé la création prochaine d’un catalogue national des chefs d’oeuvre kazakhs conservés à l’étranger. L’objectif est clair : inventorier les œuvres majeures de l’art kazakh dispersées depuis le XIXe siècle dans les grands musées du monde, rétablir leur provenance et documenter les conditions de leur départ. Cette initiative s’inscrit dans une vaste politique de valorisation de la culture du Kazakhstan, alors que de nombreux chefs d’oeuvre sont aujourd’hui bien plus connus à Paris, Londres ou Saint-Pétersbourg qu’à Almaty ou Astana.
L’Europe conserve certains des chefs d’oeuvre les plus emblématiques de l’art kazakh, souvent entrés dans les collections au tournant des XIXe et XXe siècles. À Paris, le Louvre préserve notamment d’antiques luminaires timourides provenant du mausolée de Khoja Ahmed Yasavi, chef spirituel du Turkestan médiéval, objets classés parmi les chefs d’oeuvre de l’art islamique d’Asie centrale. Ces pièces en bronze finement décorées auraient quitté le Kazakhstan au début de l’ère soviétique avant d’être intégrées aux collections françaises à l’issue de circuits muséaux complexes liés aux transferts patrimoniaux de l’époque.

© Musée du Louvre, Département des Arts de l’Islam
À Londres, le British Museum expose l’un des chefs d’oeuvre les plus symboliques du costume kazakh : une somptueuse saukele, coiffe nuptiale traditionnelle en argent, corail et pierres semi-précieuses. Ce chef d’oeuvre de l’art kazakh, daté du XIXe siècle, témoigne de la richesse ornementale des sociétés nomades. À ses côtés, le musée conserve également des parures féminines en argent ciselé, des bracelets torsadés, des pendentifs zoomorphes, des boucles d’oreilles en filigrane, mais aussi des objets d’armement, sabres courbes, pointes de flèche, arcs composites et fragments d’armures de cavaliers kazakhs. À Berlin, au musée ethnologique, figurent également plusieurs chefs d’oeuvre textiles, notamment des tapis de yourte, des feutres décorés, des housses de selle brodées, mais aussi des harnais de chevaux richement ornés de plaques en argent repoussé.
Dans les musées d’Europe occidentale, l’art kazakh est ainsi souvent présenté sous l’angle de l’ethnographie, bien que de nombreux conservateurs reconnaissent aujourd’hui officiellement la dimension de chefs d’oeuvre à des pièces longtemps classées comme simples objets du quotidien. Des fragments sculptés de stèles balbal, ces pierres funéraires dressées dans la steppe, se retrouvent également à Vienne, à Munich et dans plusieurs collections privées occidentales issues des grandes campagnes archéologiques menées à la fin du XIXe siècle dans le sud du Kazakhstan.

© The British Museum
La Russie, elle aussi, détient dans ses musées de nombreux chefs d’oeuvre de l’art kazakh
C’est en Russie que se concentre la plus importante masse de chefs d’oeuvre de l’art kazakh conservés hors des frontières du Kazakhstan. À l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, les salles consacrées aux cultures des steppes exposent des trésors issus des mondes saka et scythe, parmi lesquels d’exceptionnels chefs d’oeuvre en or. On y trouve des plaques représentant des félins bondissants, des cerfs aux bois stylisés, des griffons et des rapaces, emblèmes du style animalier nomade, ainsi que des fragments de parures funéraires provenant de kourganes du sud-est du Kazakhstan.

© The State Hermitage Museum
À ces chefs d’oeuvre s’ajoutent des chaudrons rituels en bronze, des miroirs décorés, des éléments de ceinture incrustés de pierres, mais aussi des objets funéraires attribués aux élites saka. Plusieurs de ces trésors ont été transférés vers la Russie impériale à la suite des grandes fouilles archéologiques organisées sous l’Empire, puis centralisés à l’époque soviétique dans les collections de Leningrad et de Moscou. La Kunstkamera conserve également des dizaines d’objets rituels kazakhs, idoles en bois, amulettes, tambours chamaniques, figurines votives et instruments liés aux pratiques spirituelles de la steppe.
À Moscou, le Musée d’État des peuples d’Orient présente d’autres chefs d’oeuvre de l’art kazakh, notamment des costumes de chamanes, des manteaux de cérémonie brodés, des coiffes à plumes, des bijoux rituels et de vastes collections de tapis anciens. On y découvre aussi des manuscrits liés aux traditions littéraires turco-kazakhes, des feuillets calligraphiés, des fragments de chroniques et des miniatures illustrant des scènes de chasse, de nomadisme et de vie pastorale. Tous ces chefs d’oeuvre constituent aujourd’hui un corpus fondamental pour la compréhension de l’art kazakh ancien, mais restent largement inaccessibles au grand public du Kazakhstan.
Les chefs d’oeuvre de l’art kazakh en Asie, en Turquie et en Amérique
Au-delà de l’Europe, les chefs d’oeuvre de l’art kazakh se retrouvent également en Turquie, en Asie orientale et aux États-Unis. À Istanbul, plusieurs musées conservent des pièces issues de l’espace turco-kazakh, notamment des armes de cavalerie, des selles décorées, des tapis de prière, mais aussi des fragments architecturaux provenant d’anciens sanctuaires de la steppe. Ces chefs d’oeuvre sont souvent arrivés en Turquie au fil des échanges intellectuels du XXe siècle, dans le cadre des recherches sur les racines communes des peuples turcs.
Aux États-Unis, le Metropolitan Museum of Art de New York possède plusieurs chefs d’oeuvre de l’art des steppes attribués à l’aire kazakhe, notamment des bijoux en or, des plaques animales et des fragments de textiles anciens. Le Smithsonian Institution conserve également des objets kazakhs collectés au début du XXe siècle, dont des costumes traditionnels, des bijoux de mariage, des instruments de musique comme le dombra et le kobyz, mais aussi des objets du quotidien devenus aujourd’hui des chefs d’oeuvre patrimoniaux.

© The Smithsonian Institution
En Asie orientale, le Japon et la Chine détiennent eux aussi des chefs d’oeuvre venus du Kazakhstan. À Tokyo et à Kyoto, plusieurs musées exposent des pièces liées aux routes de la soie, notamment des textiles, des fragments de céramiques, des objets métalliques, mais aussi des éléments d’équipement de cavaliers. En Chine, dans les musées du Xinjiang, figurent également des chefs d’oeuvre communs aux cultures kazakhes et ouïghoures, issus d’un patrimoine transfrontalier ancien. Ces œuvres, souvent découvertes lors de fouilles archéologiques, illustrent la circulation constante des formes, des techniques et des symboles à travers la steppe.
