Le Kazakhstan engage une transformation profonde de son secteur uranium, avec une volonté claire de renforcer le contrôle national sur l’exploitation minière. À travers une réforme législative adoptée début décembre 2025, l’État prévoit désormais de capter l’essentiel de la valeur créée par ses gisements, tout en maintenant une coopération encadrée avec les acteurs étrangers.
Uranium : une prise de contrôle progressive par Kazatomprom
Le 4 décembre 2025, le Parlement kazakhstanais a validé une série d’amendements au Code des sous-sols qui redéfinissent en profondeur les conditions d’accès au secteur de l’uranium. Cette réforme, désormais transmise au Sénat pour validation finale, vise à garantir à l’entreprise nationale Kazatomprom une participation majoritaire dans l’ensemble des projets miniers liés à l’uranium, qu’il s’agisse de nouveaux contrats ou du renouvellement de conventions existantes.
Dans le nouveau cadre législatif, l’uranium devient officiellement un secteur placé sous priorité stratégique nationale. Dorénavant, lors du renouvellement de chaque contrat d’exploitation, Kazatomprom ou l’une de ses filiales devra automatiquement détenir 90% des parts du projet concerné, rapporte le média kazakhstanais Kursiv. Cette règle s’appliquera indépendamment de la structure initiale du partenariat. Autrement dit, même les coentreprises historiquement dominées par des acteurs étrangers verront leur répartition du capital profondément modifiée. Ainsi, et pour illustrer concrètement cette évolution, le gisement de Zarechnoye, exploité en partenariat avec un groupe chinois, est cité comme l’un des premiers concernés par l’échéance contractuelle à venir, toujours selon Kursiv.media.
Cette reprise en main du secteur de l’uranium s’accompagne également d’un élargissement des prérogatives de la compagnie nationale dans la phase amont de l’activité. Jusqu’à présent, Kazatomprom disposait d’un droit prioritaire uniquement lors de l’exploitation. Désormais, elle bénéficiera aussi d’un droit préférentiel pour la géologie et l’exploration des terrains contenant de l’uranium. Cette évolution permet à l’État kazakhstanais de contrôler l’ensemble de la chaîne de valorisation, depuis la détection des gisements jusqu’à la production minière, tout en réduisant sa dépendance technologique et financière vis-à-vis de l’étranger.
Uranium et exploitation minière : un nouveau partage du capital
Le dispositif ne concerne pas uniquement les contrats existants. Pour les nouveaux projets d’uranium, la réforme fixe désormais une règle claire de répartition du capital. La part obligatoire minimale de Kazatomprom dans chaque nouveau projet minier est portée à 75%, contre environ 50% auparavant. En parallèle, la participation étrangère est désormais plafonnée à 25% maximum. Cette double limitation redessine profondément l’équilibre économique de l’exploitation de l’uranium dans le pays.
Du côté de Kazatomprom, cette évolution législative est présentée comme une opportunité plutôt que comme une contrainte. Le directeur juridique de l’entreprise, Ermek Kuantyrov, a déclaré que « si la coentreprise souhaite prolonger le contrat, la part de 90% reviendra à l’entreprise nationale ou à sa filiale ». Cette déclaration, traduite du russe, souligne la volonté claire d’inscrire la domination nationale dans la durée, sans pour autant exclure totalement les capitaux étrangers. Dans le même temps, le PDG de Kazatomprom, Meirzhan Youssoupov, a affirmé, lors de la même présentation, que l’entreprise « s’en réjouissait même », indiquant ainsi une approche assumée de cette recentralisation.
Uranium et secteur minier : sécurité stratégique et réserves nationales
Au-delà des équilibres contractuels, la réforme du Code des sous-sols poursuit également un objectif de sécurité stratégique à long terme pour le secteur de l’uranium. Le Sénat du Kazakhstan a validé définitivement, le 4 décembre 2025, l’élargissement des droits prioritaires accordés aux entreprises nationales. Désormais, l’État peut non seulement reprendre les territoires étudiés après la phase d’exploration, mais aussi intervenir directement dès la détection des premières traces de minéralisation. Cette disposition vise à empêcher toute perte de contrôle sur des gisements jugés stratégiques pour l’économie et la sécurité énergétique nationale.
Cette politique de souveraineté s’appuie sur un potentiel géologique considérable. Les réserves potentielles d’uranium du Kazakhstan dépasseraient désormais 2 millions de tonnes. Ce niveau place le pays parmi les plus grands détenteurs de ressources en uranium au monde. Dans ce contexte, les autorités considèrent la réforme non pas comme une rupture avec les investisseurs étrangers, mais comme une adaptation du cadre juridique à l’ampleur réelle du patrimoine minier national.
Enfin, cette réorganisation s’inscrit dans une logique de stabilité à long terme de l’uranium kazakh sur les marchés internationaux. Un sénateur kazakhstanais, Shakarim Buktugutov, a expliqué que les nouvelles règles « garantissent la durabilité à long terme de l’industrie de l’uranium ». Cette déclaration, traduite de l’anglais, met en avant la dimension industrielle et stratégique de la réforme, qui vise principalement à sécuriser les flux de production, d’investissement et de transformation du secteur minier.
