Le Kirghizstan s’apprête à engager un virage budgétaire inédit en faveur de la santé. Le gouvernement annonce un triplement des dépenses publiques, accompagné d’investissements massifs dans les infrastructures, la couverture médicale et l’accès aux soins. Une stratégie présentée comme historique, alors que la pression sociale et sanitaire ne cesse de s’intensifier.
La santé au cœur de la nouvelle trajectoire budgétaire du Kirghizstan
Le 3 décembre 2025, à l’occasion d’une réunion avec des partenaires internationaux, le vice-premier ministre du Kirghizstan, Edil Baisalov, a confirmé que la santé deviendra l’un des piliers budgétaires du Kirghizstan pour les prochaines années. L’annonce prévoit un triplement des dépenses publiques à l’horizon 2030, dans un pays où les inégalités d’accès aux soins restent marquées entre la capitale et les régions.
La réforme budgétaire annoncée place clairement la santé au sommet des priorités de l’État. Les dépenses consacrées à la santé doivent passer de 44 milliards de soms à 130 milliards de soms d’ici 2030. Autrement dit, le budget annuel de la santé atteindrait environ 1,37 milliard d’euros, contre près de 463 millions d’euros actuellement. Ainsi, en quelques années seulement, l’effort financier serait multiplié par trois, ce qui constitue un tournant pour les finances publiques du Kirghizstan. Toutefois, cette progression s’inscrit dans une dynamique déjà engagée, puisque le budget de la santé est passé de 22 à 49 milliards de soms en seulement deux ans, soit d’environ 232 à 516 millions d’euros
Ensuite, ce choix budgétaire est porté au plus haut niveau de l’exécutif. Edil Baisalov a souligné que cette réorientation ne se limitera pas à une hausse comptable mais s’accompagnera d’une transformation de l’offre de soins. « Nous avons l’intention d’élargir le programme de garanties de l’État. Pour la première fois dans l’histoire du pays, la liste des services accessibles aux citoyens ne sera pas réduite, mais élargie », a-t-il déclaré. Autant dire qu’on assiste à un changement de doctrine dans la politique de santé du Kirghizstan, traditionnellement confrontée à une couverture incomplète et à des restes à charge élevés pour les ménages, notamment dans les zones rurales.

© Кыргыз Өкмөтү
De nouvelles infrastructures de santé aux quatre coins du pays
Par ailleurs, l’augmentation des dépenses de santé ne se limite pas au financement courant des hôpitaux. Le gouvernement prévoit un programme massif de construction d’établissements médicaux sur l’ensemble du territoire du Kirghizstan. Ainsi, 32 nouveaux établissements de santé doivent être construits dès 2026. De ce fait, l’État mise sur une modernisation rapide de son parc hospitalier, alors que de nombreux bâtiments datent encore de l’époque soviétique. En parallèle, les autorités confirment un effort plus large sur les infrastructures publiques, avec plus de 3.000 équipements construits en 2025 grâce au budget de l’État, dont une partie dédiée à la santé.
En outre, la répartition géographique des investissements est au cœur du discours gouvernemental. Les autorités assurent que les nouveaux investissements en santé concerneront aussi bien la capitale que les régions montagneuses et enclavées, où l’accès aux soins demeure très inégal. Une partie significative des fonds sera dirigée vers la construction d’infrastructures médicales modernes en dehors de Bichkek, afin de réduire les disparités territoriales. Ainsi, le Kirghizstan cherche à corriger un déséquilibre structurel de longue date, dans un contexte où les distances et le manque d’équipements pèsent encore fortement sur la prise en charge des patients.
La santé publique comme levier social et politique au Kirghizstan
De plus, cette hausse spectaculaire des dépenses de santé répond à des enjeux sociaux majeurs. Le vieillissement de certaines portions de la population, la prévalence croissante des maladies chroniques et les séquelles laissées par les crises sanitaires récentes exercent une pression constante sur le système médical du Kirghizstan. Selon les autorités, l’extension du programme de garanties de l’État vise à améliorer l’accès aux soins essentiels, notamment pour les populations vulnérables. Dans cette perspective, l’augmentation du budget de la santé est présentée comme un investissement à long terme dans la stabilité sociale, au-delà de sa seule portée économique.
Enfin, cette stratégie de renforcement de la santé publique s’inscrit aussi dans le cadre des relations entre le Kirghizstan et ses partenaires internationaux. Cette annonce est d’ailleurs intervenue lors d’une réunion entre le gouvernement et des représentants de la Banque mondiale. Ce contexte suggère que les autorités cherchent à sécuriser des soutiens techniques et financiers pour accompagner la montée en puissance du secteur de la santé. Toutefois, si les ambitions budgétaires sont considérables, leur mise en œuvre concrète constituera un test décisif pour la gouvernance publique, la capacité d’absorption des administrations locales et l’efficacité réelle des politiques sanitaires dans l’ensemble du pays.
