KazMunayGaz s’apprête à remodeler en profondeur sa présence hors du Kazakhstan. Le groupe pétrolier public prépare la vente de la moitié de ses actifs européens, dont ses raffineries stratégiques en Roumanie, au cœur d’un recentrage industriel et financier de grande ampleur. L’opération marque un tournant pour KazMunayGaz dans le business gazier du Kazakhstan à l’échelle mondiale.
KazMunayGaz et ses actifs européens : une architecture industrielle tentaculaire
Le 21 novembre 2025, KazMunayGaz a confirmé son intention de céder jusqu’à 50% de ses actifs européens, via sa filiale KMG International. L’annonce place immédiatement KazMunayGaz au centre de l’actualité énergétique européenne. Cette opération concerne notamment les actifs roumains du groupe et reflète une réorientation stratégique majeure de la compagnie nationale kazakhstanaise.
KazMunayGaz contrôle l’ensemble de ses actifs européens à travers KMG International. Cette entité regroupe 28 sociétés réparties entre la Roumanie, la Suisse, la Bulgarie, la Géorgie, la Moldavie, la Turquie et le Kazakhstan. Dès lors, la décision de KazMunayGaz de vendre 50% de ces actifs européens ne constitue pas une simple cession ciblée. Elle concerne un réseau industriel, logistique et commercial interconnecté, structurant l’ensemble de la présence du groupe hors de son marché domestique.
Le cœur de ce dispositif se situe en Roumanie. KMG International y détient deux raffineries majeures, Petromidia et Vega, ainsi qu’un complexe pétrochimique, plusieurs terminaux et environ 1.400 stations-service opérant sous la marque Rompetrol. Ces actifs roumains constituent le principal point d’ancrage européen de KazMunayGaz. Ils assurent à la fois la transformation du brut, sa distribution régionale et son accès direct aux marchés de l’Europe du Sud-Est.
Sur le plan économique, ces actifs européens pèsent lourd dans les comptes. Entre 2017 et 2021, le chiffre d’affaires annuel de KMG International oscillait entre 4,8 et 11,6 milliards de dollars, soit environ entre 4,4 et 10,7 milliards d’euros après conversion. Ces fluctuations reflètent à la fois la volatilité des marchés pétroliers et la sensibilité du groupe aux cycles énergétiques mondiaux. Dès lors, la décision de KazMunayGaz d’ouvrir son capital européen à un partenaire externe ne relève pas d’un simple ajustement, mais d’une transformation structurelle.
KazMunayGaz en Roumanie : raffineries, stations-service et dépendance industrielle
Les raffineries Petromidia et Vega sont les deux piliers industriels de KazMunayGaz en Roumanie. Sur les neuf premiers mois de 2025, elles ont traité 4,61 millions de tonnes de brut. Ce volume confirme le rôle central de la Roumanie dans la chaîne de valeur européenne de KazMunayGaz. Cette capacité confère au groupe kazakhstanais une position stratégique dans l’approvisionnement régional en produits raffinés.
Dans un contexte de transition énergétique, toutefois, ces infrastructures deviennent de plus en plus coûteuses à maintenir. Les investissements de modernisation, les exigences environnementales européennes et la pression concurrentielle pèsent directement sur la rentabilité de KazMunayGaz. C’est dans ce cadre que l’évaluation de ses actifs roumains s’est progressivement transformée en arbitrage stratégique. Les raffineries de Rompetrol tendent à devenir, pour KazMunayGaz, un actif lourd à porter financièrement, malgré leur importance logistique.
Par ailleurs, le réseau de 1.400 stations-service constitue à la fois un atout commercial et une exposition directe à la consommation européenne. KazMunayGaz y vend des carburants raffinés localement, ce qui lui garantit un débouché final stable. Toutefois, cet ancrage européen expose aussi la compagnie kazakhstanaise aux réglementations climatiques, à la fiscalité carbone et à la pression croissante sur les hydrocarbures. Ainsi, la décision de vendre une partie de ces actifs européens traduit un arbitrage entre maintien d’une puissance industrielle et gestion des risques structurels.
Pourquoi KazMunayGaz veut vendre 50% de ses actifs européens
KazMunayGaz prévoit de mettre en vente jusqu’à 50% de ses actifs européens entre 2026 et 2027. Le processus prendra la forme d’un appel d’offres organisé en deux étapes. Cette approche progressive vise à préserver la valeur stratégique des infrastructures tout en attirant un partenaire industriel ou financier solide.
Le but principal de la transaction est d’« attirer un partenaire stratégique ». Cette déclaration souligne clairement que KazMunayGaz ne recherche pas un simple acheteur financier, mais un acteur capable de co-piloter les actifs européens sur le long terme. Cette orientation correspond à une logique de partage des risques, de mutualisation des capitaux et de renforcement technologique dans un environnement énergétique européen de plus en plus complexe.
Toutefois, KazMunayGaz a également tenu à rassurer ses partenaires et investisseurs. Le service de presse du groupe a déclaré qu’« aucune décision n’est actuellement prise sur la privatisation de KMG International », selon Romania Insider du 26 novembre 2025. Cette précision vise à distinguer une ouverture partielle du capital d’une privatisation complète. KazMunayGaz resterait donc, dans tous les scénarios évoqués, l’actionnaire pivot de ses actifs européens.
Cette stratégie s’inscrit plus largement dans l’évolution du modèle économique du Kazakhstan. L’État kazakhstanais cherche à optimiser ses actifs à l’étranger, réduire ses charges financières directes et libérer des ressources pour ses projets énergétiques nationaux. Dans ce cadre, KazMunayGaz joue un rôle central d’outil souverain de projection énergétique, mais aussi de stabilisateur macroéconomique.
