Le Kazakhstan encadre l’intelligence artificielle par la loi
l'intelligence artificielle

Le 17 novembre 2025, le président du Kazakhstan a signé une loi fondatrice encadrant l’intelligence artificielle. Ce texte crée un régime de responsabilité inédit pour sanctionner les abus de l’intelligence artificielle, allant de la désinformation au préjudice moral. À travers ce virage juridique, Astana rejoint une dynamique régionale déjà amorcée par l’Ouzbékistan, qui a introduit des mécanismes similaires de sanctions financières quelques mois plus tôt.

Au Kazakhstan, l’intelligence artificielle entre dans le Code des infractions administratives

L’intelligence artificielle change de statut juridique au Kazakhstan. Pour la première fois, une disposition spécifique a été intégrée au Code des infractions administratives. Un nouvel article 641-1 intitulé « Violation de la législation dans le domaine de l’intelligence artificielle » définit désormais formellement les abus sanctionnables. Cette introduction traduit une volonté claire de faire basculer l’intelligence artificielle du simple champ technologique vers un véritable cadre de responsabilité juridique.

Désormais, l’abus de l’intelligence artificielle ne se limite plus à une notion morale ou médiatique. Il devient une infraction caractérisée lorsque l’utilisateur trompe délibérément le public sur l’origine artificielle d’un contenu ou lorsque l’usage de l’intelligence artificielle porte atteinte à la santé, à la dignité ou au bien-être des citoyens. Cette double typologie cible directement les deepfakes, la désinformation algorithmique et les manipulations numériques à fort impact social.

Le législateur kazakhstanais pose aussi un principe devenu central au niveau mondial. Chaque contenu créé via l’intelligence artificielle devra désormais être clairement signalé. Cela concerne les textes, les images, les vidéos et même les contenus audio. Cette obligation de marquage vise à limiter les abus de l’intelligence artificielle en restaurant un minimum de transparence pour les utilisateurs.

Cette transparence est d’ailleurs explicitement formulée dans la loi. « Les utilisateurs doivent être informés que les biens et services ont été produits avec des systèmes d’intelligence artificielle », prévoit le texte. Par conséquent, l’omission volontaire de ce marquage constitue désormais un abus de l’intelligence artificielle au regard du droit kazakhstanais.

L’intelligence artificielle encadrée par des sanctions financières dissuasives

Le dispositif répressif repose avant tout sur des amendes administratives. Pour une première infraction liée à l’abus de l’intelligence artificielle, un particulier s’expose à une amende de 64.875 tenges (130 euros). Les sanctions augmentent selon le statut du contrevenant. Les petites entreprises et les ONG devront s’acquitter d’une amende d’enivron 173 euros. Les entreprises de taille moyenne encourent une sanction d’environ 260 euros. Quant aux grandes entreprises, l’abus de l’intelligence artificielle peut leur coûter 865 euros dès la première infraction.

Le régime devient nettement plus sévère en cas de récidive. Pour les particuliers, l’amende double immédiatement et atteint 260 euros. Pour les grandes entreprises, la sanction peut grimper jusqu’à 1.730 euros. Cette gradation traduit une volonté claire d’introduire un effet dissuasif durable contre les abus de l’intelligence artificielle.

En parallèle, le législateur a veillé à ne pas transformer la loi en instrument de blocage technologique. « La loi ne doit pas réguler excessivement, mais aider au développement des technologies d’intelligence artificielle », a déclaré Dmitry Mun le 29 octobre 2025. Cette déclaration illustre l’équilibre recherché entre stimulation de l’innovation et limitation des abus de l’intelligence artificielle.

Les autorités insistent sur la montée rapide des dérives. « Nous constatons une augmentation du nombre de deepfakes », a reconnu le sénateur Serik Shaidarov. Ce constat politique justifie l’introduction rapide de ce nouveau volet répressif dans l’encadrement de l’intelligence artificielle.

Quels abus de l’intelligence artificielle sont désormais visés par la loi

Le champ des abus de l’intelligence artificielle couvre désormais plusieurs pratiques clairement identifiées. La première concerne la tromperie sur la nature artificielle d’un contenu. Publier une image, une vidéo ou un texte généré par intelligence artificielle en le présentant comme authentique constitue désormais une infraction administrative.

La seconde catégorie d’abus de l’intelligence artificielle relève du préjudice direct. Sont visés les usages qui portent atteinte à la santé mentale, à la réputation, aux droits ou à la sécurité des citoyens. Cela inclut la diffusion d’informations fausses, discriminatoires ou nuisibles produites par des systèmes automatisés. Cette approche permet de couvrir aussi bien la désinformation politique que le harcèlement numérique automatisé.

La loi va plus loin en interdisant explicitement certains usages jugés incompatibles avec les libertés publiques. La création ou l’utilisation de systèmes d’intelligence artificielle capables de manipuler la conscience humaine est désormais prohibée, tout comme l’analyse des émotions sans consentement. Ces restrictions visent à empêcher l’exploitation psychologique massive permise par certaines technologies émergentes.

La reconnaissance biométrique en temps réel dans l’espace public figure également parmi les usages interdits. Le texte bloque tout recours à l’intelligence artificielle permettant d’identifier instantanément des personnes sans base légale spécifique. Cette disposition aligne le Kazakhstan sur plusieurs standards européens récents en matière de protection des données.

Ce socle juridique s’appuie sur une définition précise de l’intelligence artificielle. Le texte signé le 17 novembre 2025 définit l’IA comme un outil d’informatisation fonctionnant sur la base de données et d’algorithmes, selon Orda.kz. Il repose sur quatre principes fondamentaux : légalité, transparence, protection des données et priorité au bien-être humain. Ces principes structurent l’ensemble du dispositif de lutte contre les abus de l’intelligence artificielle.

Enfin, le Kazakhstan ne demeure pas isolé dans cette dynamique. L’Ouzbékistan a introduit récemment ses propres mécanismes de sanctions contre les abus de l’intelligence artificielle, notamment contre les contenus trompeurs et les deepfakes à usage frauduleux. En s’alignant sur cette tendance régionale, Astana affiche sa volonté de prévenir une zone grise juridique à l’échelle de l’Asie centrale.

Par Rodion Zolkin
Le 11/19/2025

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