Le 13 novembre 2025, à Tachkent, en Ouzbékistan, s’est tenue la première réunion du Conseil des ministres du commerce et de l’investissement réunissant les États d’Asie centrale ainsi que l’Azerbaïdjan. À l’agenda, un objectif ambitieux : faire bondir le commerce intra-régional.
Vers un commerce intra-régional multiplié, sous le signe de l’industrialisation
Lors de cette réunion inaugurale, les ministres ont fixé un objectif chiffré de 20 milliards de dollars pour le commerce mutuel, soit pratiquement le double du niveau actuel. Le ministre ouzbek de l’Investissement, de l’Industrie et du Commerce, Laziz Kudratov, a notamment déclaré : « Le potentiel du commerce de marchandises reste colossal, notamment compte tenu de la complémentarité de nos économies et de l’intérêt croissant des entreprises pour des projets communs ».
La valeur des échanges régionaux est en effet passée à environ 11 milliards de dollars en 2024 pour l’ensemble de l’Asie centrale. Ce doublement depuis 2017 est cité comme le point de départ de la nouvelle ambition. Le commerce international devient ainsi un levier de l’intégration régionale. Ce n’est plus simplement une série d’échanges ponctuels ; il s’agit désormais de construire des chaînes de valeur conjointes, de renforcer la production industrielle locale et de donner au commerce une dimension stratégique pour toute la région.
Les ministres ont approuvé un communiqué conjoint qui prévoit notamment :
– l’harmonisation des procédures douanières et la reconnaissance mutuelle des autorisations, afin d’alléger les coûts et délais liés au passage des frontières ;
– la mise en place d’un guichet unique numérique aux frontières, pour fluidifier le commerce ;
– la création d’un catalogue électronique commun des produits et des producteurs régionaux, permettant aux entreprises de se trouver directement entre elles sans intermédiaires ;
– le développement d’un label régional « Made in Central Asia » destiné à promouvoir la production régionale à l’export-ation et à renforcer la visibilité de la région sur les marchés externes ;
– la concentration sur la transformation locale et sur le passage d’un modèle « acheter-vendre » à un modèle « investir-produire-vendre ».
Ces mesures montrent que l’objectif n’est pas seulement de stimuler les échanges, mais aussi de renforcer la profondeur de ces échanges : plus de production régionale, plus de valeur ajoutée, moins de dépendance aux échanges de matières premières brutes. Le commerce international est ainsi envisagé comme un vecteur de transformation économique.
Doubler le volume du commerce régional, un vrai défi
Atteindre un tel volume pour le commerce intra-régional ne va pas sans obstacles. L’un des premiers est celui de la connectivité logistique. Un récent rapport de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement indique que le volume de fret sur les trois principaux corridors de transport en Asie centrale pourrait augmenter jusqu’à 1,5 fois dans les cinq prochaines années, mais qu’il faudra investir massivement dans les infrastructures et surtout l’infrastructure « douce » (procedures, digitalisation) pour y parvenir.
De plus, malgré l’augmentation à environ 11 milliards de dollars des échanges intra-régionaux, cette somme reste modeste au regard du commerce externe, ce qui suggère que doubler ce volume représente un défi réel.
Les économies concernées restent souvent désavantagées : enclavées, dépendantes des matières premières ou des flux d’exportation vers les grandes puissances. Les réformes structurelles sont encore nécessaires pour que le commerce international entre États de la région puisse réellement se substituer à une part significative des échanges externes. Dans ce contexte, le terme échanges commerciaux, utilisé comme mot-clé secondaire, prend tout son sens : il s’agit d’augmenter tant la quantité que la qualité de ces échanges. Enfin, pour que l’objectif « doubler le volume » soit crédible, les États devront synchroniser leurs politiques, investir dans la production et les services, et développer une culture commune de coopération commerciale.
