Dès le 1ᵉʳ janvier 2026, le Kazakhstan appliquera une méthode de calcul des revenus entièrement revue. Objectif : rendre la fiscalité plus juste, lutter contre les revenus dissimulés et adapter le système fiscal à une économie où les transactions numériques, immobilières et automobiles laissent désormais de nombreuses traces mesurables.
Un changement majeur dans la définition des revenus
Grâce à la signature, le 28 octobre 2025, d’un arrêté par le ministre des Finances, Madi Taïev, les autorités fiscales kazakhstanaises disposeront d’un nouvel outil pour déterminer les revenus réels des citoyens. Jusqu’ici, l’imposition reposait presque exclusivement sur les déclarations volontaires, mais cette logique est sur le point de changer. À partir du 1ᵉʳ janvier 2026, le fisc utilisera un « méthode indirecte » pour évaluer les revenus des particuliers lorsque les montants déclarés ne correspondent pas aux dépenses observées.
En pratique, si les achats d’un citoyen dépassent largement son revenu officiel, l’administration fiscale pourra recalculer son revenu réel en s’appuyant sur la valeur totale de ses dépenses : acquisition de logements, achat de voitures, paiement d’études, d’assurances ou d’investissements financiers. Selon le ministère des Finances, cette méthode vise à réduire les inégalités entre contribuables et à « garantir que chacun contribue au budget national à hauteur de ses capacités économiques ».
La mesure intervient dans un contexte de modernisation du système fiscal, amorcée dès 2023 avec la généralisation de la déclaration de patrimoine. Désormais, les services fiscaux pourront croiser les données bancaires, les registres immobiliers et les informations relatives aux véhicules pour vérifier la cohérence entre les revenus déclarés et les signes extérieurs de richesse.
S’attaquer à la fois à la fraude fiscale classique et au travail dissimulé
Le cœur de la réforme repose sur un principe simple : les dépenses révèlent souvent mieux la capacité contributive qu’un revenu déclaré. Ainsi, si un citoyen déclare un faible salaire mais dépense davantage pour son logement, son automobile ou ses voyages, le fisc pourra estimer un revenu implicite supérieur et lui appliquer un redressement.
Le décret précise plusieurs cas concrets où le calcul indirect des revenus sera appliqué. Il concernera, d’une part, les situations où les dépenses d’un particulier dépassent ses revenus officiels ; d’autre part, les cas où les documents comptables ont été perdus ou falsifiés ; enfin, les personnes exerçant une activité économique sans être enregistrées comme entrepreneurs individuels. En clair, cette réforme cible à la fois la fraude fiscale classique et le travail dissimulé.
Pour déterminer les revenus effectifs, les inspecteurs analyseront un ensemble de données : les mouvements de fonds sur les comptes bancaires, les transactions immobilières, les dépenses en matière d’éducation et de santé ou encore les opérations d’assurance et d’investissement. Ils pourront aussi consulter les registres étrangers grâce aux accords d’échange automatique d’informations. Et « si les revenus figurant dans la déclaration ne correspondent pas aux dépenses personnelles, le fisc détermine l’impôt sur la base des dépenses », stipule le décret.
Cette approche, courante dans les pays de l’OCDE, représente une évolution culturelle pour le Kazakhstan. Elle marque la fin d’une tolérance implicite à l’égard des écarts entre revenu réel et revenu déclaré, notamment dans les secteurs de l’immobilier et de la revente automobile, où les transactions informelles restent fréquentes.
Pourquoi le Kazakhstan adopte cette méthode
Selon le ministère des Finances, cette réforme répond à un double impératif : renforcer la transparence fiscale et élargir la base de l’impôt sur le revenu. Les autorités estiment que de nombreux citoyens déclarent des montants très inférieurs à leur salaire réel, notamment parmi les professions indépendantes et les acteurs du commerce informel. L’introduction du calcul indirect permettra de mieux cibler ces situations, sans alourdir la charge administrative pour les contribuables honnêtes.
La mise en œuvre du dispositif sera progressive. Dans un premier temps, seuls les cas présentant des incohérences manifestes entre revenus et dépenses seront examinés. Les autorités fiscales disposeront ensuite d’outils analytiques plus puissants pour automatiser les contrôles. Ces outils reposeront sur les flux de données interconnectés entre banques, compagnies d’assurance, notaires et administrations locales. L’objectif est d’instaurer une fiscalité « axée sur la confiance, mais soutenue par la preuve », selon la formule utilisée par un représentant du Comité des revenus d’État.
L’adoption de cette méthode s’inscrit aussi dans la préparation de la future déclaration universelle de patrimoine, prévue à partir de 2027. En reliant les revenus aux actifs immobiliers et aux véhicules enregistrés, l’État entend détecter les écarts persistants et les corriger plus rapidement. Ce nouveau modèle, inspiré des pratiques européennes, pourrait également contribuer à stabiliser les recettes fiscales du pays, en limitant la dépendance aux taxes sur les entreprises extractives.
Limiter l’intervention humaine dans les contrôles
Sur le plan économique, le ministère anticipe un effet vertueux : en incitant les citoyens à déclarer des revenus conformes à leur niveau de vie réel, le gouvernement espère réduire les distorsions sur le marché de l’immobilier et celui des voitures, où les prix gonflent artificiellement sous l’effet de paiements non déclarés. Par ailleurs, les revenus réévalués permettront de mieux calibrer les politiques sociales, notamment les aides au logement et les subventions aux ménages modestes.
Enfin, la réforme s’accompagne d’un volet technologique. Le Comité des revenus d’État développe une plateforme de corrélation automatique entre les données bancaires et fiscales, afin de limiter l’intervention humaine dans les contrôles. Les autorités précisent que les citoyens auront accès à leurs propres évaluations et pourront contester les montants recalculés. Le gouvernement insiste : l’objectif n’est pas de sanctionner, mais de rétablir la cohérence entre les revenus déclarés et les dépenses effectives.
