Internet par satellite : en Asie centrale, l’Ouzbékistan se positionne comme hub régional
Internet par satellite : en Asie centrale, l’Ouzbékistan se positionne comme hub régional

Un projet d’envergure vient d’être officialisé à Tachkent : l’Ouzbékistan accueillera bientôt un hub régional d’Internet par satellite, destiné à desservir non seulement le pays, mais aussi ses voisins d’Asie centrale. Conçu en partenariat avec l’opérateur européen SES et soutenu par l’Union européenne, ce centre doit transformer la connectivité numérique d’une région encore largement enclavée sur le plan technologique.

Renforcer la connectivité numérique de l’Asie centrale

L’annonce a été faite par le ministre ouzbek des technologies numériques, Sherzod Shermatov, à la télévision publique. Selon lui, ce hub constituera un point névralgique de la couverture satellitaire régionale, permettant aux zones rurales et montagneuses d’accéder enfin à un Internet haut débit fiable. « Ce projet prévoit la création d’un hub précisément en Ouzbékistan, qui desservira aussi d’autres pays voisins depuis notre territoire. Grâce à la fourniture de nouveaux services numériques, les revenus d’exportation du pays augmenteront », a-t-il déclaré. L’installation sera opérée par SES, un acteur majeur des communications par satellite, déjà présent sur plusieurs continents.

Ce partenariat s’inscrit dans le cadre plus large du programme européen Digital Connectivity for Central Asia, lancé en mars 2025 à Tachkent. Ce dispositif réunit la Commission européenne, la Banque européenne d’investissement, Expertise France et SES autour d’un objectif commun : renforcer la connectivité numérique de l’Asie centrale grâce à des infrastructures satellitaires hybrides, combinant orbites moyennes et basses. À cette occasion, le commissaire européen à la coopération internationale, Josef Síkela, avait souligné que ce projet offrait à l’Ouzbékistan « une véritable autonomie numérique ».

Faire de l’Ouzbékistan un centre de redistribution de la connectivité satellitaire

L’enjeu est de taille : dans un pays où la fibre optique peine encore à atteindre certaines zones rurales, l’Internet par satellite apparaît comme une solution incontournable. Dès 2026, les premiers opérateurs devraient commencer à fournir des services haut débit dans les régions les plus reculées. Pour encourager cette transition, le président Shavkat Mirziyoyev a signé un décret prévoyant un régime fiscal particulièrement favorable : les opérateurs seront exemptés pendant cinq ans de l’impôt sur les bénéfices, de la taxe foncière et de la TVA. Les équipements, logiciels et composants importés pour ces réseaux satellitaires bénéficieront, eux aussi, d’une exonération de droits de douane.

Les ambitions de Tachkent dépassent d’ailleurs ses frontières. Le futur hub sera conçu pour desservir également le Kirghizstan, le Tadjikistan et, à terme, d’autres pays de la région. L’objectif est clair : faire de l’Ouzbékistan un centre de redistribution de la connectivité satellitaire, capable d’alimenter en bande passante plusieurs marchés voisins. À travers cette approche, le gouvernement espère aussi attirer davantage d’entreprises européennes du numérique. Selon Sherzod Shermatov, leur nombre a déjà triplé en deux ans, passant de 50 à 161 implantations, un signe que le pays s’impose progressivement comme une destination crédible pour les investissements technologiques.

Le ministre ne cache pas ses attentes quant aux retombées de cette politique : « Je suis convaincu que la visite du président en Europe et la signature de l’accord de partenariat renforcé avec l’Union européenne donneront un nouvel élan à la coopération dans le domaine numérique. Cela créera de nombreux emplois qualifiés pour notre jeunesse », a-t-il affirmé. L’accord évoqué, qualifié par Sherzod Shermatov d’« historique », devrait en effet faciliter l’entrée de capitaux européens dans les technologies de l’information ouzbèkes.

Sur le plan technique, l’infrastructure reposera sur la constellation multi-orbitale de SES, combinant satellites géostationnaires et en orbite moyenne. Les stations terrestres du hub, installées autour de Tachkent, serviront de passerelle régionale. Elles permettront aux signaux satellitaires d’être redistribués vers les réseaux locaux ou transfrontaliers. Une telle architecture offrira une connectivité stable même dans les zones montagneuses où les infrastructures terrestres sont inexistantes.

Le lancement commercial est prévu pour 2026

La mise en service du hub s’effectuera par étapes tout au long de 2025 et 2026. La première phase concernera la construction des terminaux terrestres et la mise en place du gateway central. Ensuite viendra la période de test et d’intégration des services, avant le lancement commercial prévu pour 2026. Ce calendrier s’inscrit dans une dynamique régionale : le Kazakhstan, pionnier en la matière, a déjà introduit Starlink en 2024, et le Tadjikistan a signé un accord similaire en 2025. L’Ouzbékistan, lui, ambitionne d’offrir une alternative européenne à ces opérateurs privés américains.

Cette stratégie de diversification s’est encore renforcée début octobre 2025, avec la signature d’un mémorandum de coopération entre le ministère ouzbek du numérique et Amazon Kuiper, le futur concurrent de Starlink. Si ce dernier accord reste préliminaire, il illustre la volonté de Tachkent de s’ouvrir à plusieurs partenaires technologiques et de bâtir un écosystème satellitaire complet.

La connectivité, un vrai enjeu économique mais aussi politique pour les pays d’Asie centrale

L’intérêt économique du projet est indéniable. En devenant un centre de distribution d’Internet par satellite, l’Ouzbékistan espère générer de nouvelles recettes à l’exportation et renforcer son rôle dans la chaîne régionale des télécommunications. Ce positionnement pourrait également offrir un levier d’influence supplémentaire dans les relations interétatiques d’Asie centrale, où la maîtrise des infrastructures numériques devient un enjeu stratégique.

Mais le défi reste considérable. Outre les investissements lourds nécessaires à la construction du hub, il faudra gérer la coordination technique entre opérateurs régionaux, la répartition des fréquences et l’intégration des services dans les législations locales. Les autorités se disent confiantes : un cadre réglementaire spécifique aux communications satellitaires est en cours d’élaboration et devrait être opérationnel début 2026.

Si le calendrier est respecté, l’Ouzbékistan pourrait, d’ici deux ans, devenir le premier pays d’Asie centrale à disposer d’un centre régional de services d’Internet par satellite sous gestion nationale. Une transformation numérique majeure, qui placerait le pays au cœur de la connectivité régionale, tout en renforçant son autonomie stratégique dans un secteur dominé jusqu’ici par les géants américains.

Par Païsiy Ukhanov
Le 10/23/2025

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