Tadjikistan : l’État lance ses premières obligations vertes souveraines
Tadjikistan : l’État lance ses premières obligations vertes souveraines

L’État du Tadjikistan vient d’annoncer la première émission d’obligations vertes de son histoire, marquant une étape décisive dans la structuration de sa politique de financement durable. L’opération, officialisée lors du forum économique « Dushanbe Invest-2025 : Green Economy – Today’s Opportunities for a Sustainable Future », illustre la volonté du pays d’inscrire sa stratégie financière dans le cadre de la transition écologique et du développement d’une économie bas-carbone.

Tadjikistan : une première souveraine qui s’appuie sur des initiatives privées

L’émission de ces obligations vertes place le Tadjikistan parmi les rares États d’Asie centrale à s’engager dans ce type de financement. La première adjudication a eu lieu le 17 octobre 2025. Les titres, d’un montant total de 200 millions de somonis, seront émis pour une durée de cinq ans et offriront un taux de coupon annuel de 13%, versé tous les six mois. L’objectif est de mobiliser des capitaux pour des projets environnementaux identifiés comme prioritaires dans le cadre national du développement durable.

Avant que l’État ne s’engage lui-même sur ce marché, le secteur privé avait déjà ouvert la voie. En février 2024, Eskhata Bank avait lancé la première obligation verte du pays, avec le soutien financier et technique de la International Finance Corporation (IFC). Cette émission, d’un montant équivalent à 10 millions de dollars, avait pour but de financer des projets d’efficacité énergétique et de gestion durable des ressources. L’expérience a servi de modèle pour l’élaboration d’un cadre réglementaire plus large, soutenu par des institutions internationales comme la Commission économique et sociale des Nations unies pour l’Asie et le Pacifique (ESCAP).

Ce dispositif a permis au gouvernement du Tadjikistan de définir un plan d’action cohérent pour le développement d’un marché national des obligations vertes. Ce cadre s’appuie notamment sur la « Green Economy Development Strategy 2023-2037 », document de référence qui prévoit de mobiliser des financements climatiques sur le long terme afin de réduire la vulnérabilité environnementale du pays. Les discussions menées avec l’ESCAP et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (EBRD) ont également porté sur les mécanismes de transparence et de suivi nécessaires à la crédibilité de ces instruments.

Un instrument financier porteur mais confronté à plusieurs défis

L’émission de ces obligations vertes souveraines revêt une portée symbolique importante pour le Tadjikistan. Elle témoigne de la volonté du gouvernement de diversifier ses sources de financement tout en répondant aux impératifs environnementaux. Pour un pays à faible revenu et fortement dépendant des transferts extérieurs, cette opération constitue un signal fort adressé aux investisseurs institutionnels et aux bailleurs de fonds internationaux. Elle traduit aussi l’ambition d’ancrer le Tadjikistan dans les standards mondiaux de la finance durable.

Toutefois, le pays doit encore relever plusieurs défis. Le marché domestique des titres reste étroit et peu liquide ; les obligations d’entreprise y sont quasiment inexistantes, comme le rappelle un rapport récent de la EBRD. De plus, la mise en œuvre effective du cadre de suivi des projets financés par les obligations vertes reste un enjeu majeur. Selon l’analyse de l’ESCAP, des efforts considérables devront être consentis pour assurer un reporting conforme aux standards internationaux. Enfin, le montant initial de 200 millions de somonis demeure modeste au regard des besoins de financement climatique, estimés à près de 7% du PIB chaque année par la IFC.

Malgré ces limites, cette première émission ouvre la voie à un développement progressif du marché obligataire vert au Tadjikistan. Elle pose les bases d’une architecture financière susceptible d’attirer des investisseurs sensibles aux critères ESG, tout en offrant au gouvernement un outil supplémentaire pour financer la transition énergétique et les projets d’infrastructure durable. Le pays, en associant ambition écologique et prudence budgétaire, entend désormais démontrer que la finance verte peut devenir un levier de croissance soutenable à long terme.

Par Païsiy Ukhanov
Le 10/21/2025

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