L’Ouzbékistan a décidé d’accélérer sur le terrain de l’intelligence artificielle, faisant de cette technologie un pilier central de sa stratégie de développement. Sous l’impulsion du président Shavkat Mirziyoyev, le pays veut transformer aussi bien ses services publics que son économie grâce à l’IA, qu’il considère désormais comme un levier majeur de modernisation nationale.
Ouzbékistan : la « Ville intelligente » d’Ourguentch servira de modèle pour généraliser le système
Le 21 octobre 2025, lors d’une réunion gouvernementale, le président de l’Ouzbékistan a salué les résultats du projet pilote de la ville d’Ourguentch, où un système « Ville intelligente » fondé sur l’intelligence artificielle centralise la gestion de l’électricité, du gaz, de l’eau, des transports et même du ramassage des déchets. Grâce à ce dispositif, l’administration municipale affirme économiser jusqu’à 16 milliards de soums par an. Convaincu par cette réussite, le président a ordonné que cette expérience soit reproduite dans l’ensemble des régions du pays ainsi que dans les districts de Tachkent avant fin 2025.
Shavkat Mirziyoyev a par ailleurs demandé à tous les ministres et responsables locaux de consacrer un jour par semaine au développement de l’IA dans leurs secteurs respectifs. L’objectif est clair : inscrire l’intelligence artificielle dans la culture administrative, encourager la formation et accélérer la numérisation des institutions publiques. Selon les autorités, ce virage doit permettre d’améliorer la qualité des services rendus aux citoyens et de renforcer l’efficacité de l’État.
En Ouzbékistan, l’intelligence artificielle est à tous les étages !
Dans cette logique, plusieurs ministères ont déjà pris de l’avance. Le ministère de la Justice et les services fiscaux ont mis en place des plateformes de consultation en ligne fonctionnant 24 heures sur 24 grâce à l’IA, tandis que le Comité des douanes a adopté un système de gestion des risques automatisé. Même le secteur minier s’y met : les services de géologie utilisent des algorithmes de reconnaissance vidéo pour optimiser l’extraction des métaux, une innovation qui a déjà permis d’augmenter le rendement de 1 à 2%, soit environ 20 millions de dollars de revenus supplémentaires par an pour la seule filière du cuivre.
Cette stratégie s’inscrit dans un cadre plus large de transformation numérique. Le pays prévoit la création d’un super-centre de calcul haute performance et de nouvelles infrastructures de données capables de soutenir les projets d’envergure. Un budget d’environ 50 millions de dollars sera consacré à la mise en œuvre d’une centaine d’initiatives liées à l’intelligence artificielle, dans des domaines aussi variés que la santé, l’éducation, les transports, l’énergie ou la gestion environnementale. À terme, le gouvernement ambitionne de faire passer le volume de services fondés sur l’IA de 1,5 milliard à près de 10 milliards de dollars, une estimation avancée par plusieurs experts internationaux.
Sur le plan international, l’Ouzbékistan progresse rapidement. Selon l’AI Readiness Index d’Oxford Insights, le pays a gagné 17 places en 2024 pour se hisser au 70ᵉ rang mondial sur 188 pays, devenant ainsi le premier État d’Asie centrale dans ce classement. Ces résultats traduisent les efforts déployés pour mettre en place une gouvernance numérique cohérente, soutenue par la création d’une Agence pour le développement de l’intelligence artificielle et d’un fonds d’investissement de 100 millions de dollars destiné à stimuler l’écosystème national.
Shavkat Mirziyoyev est personnellement préoccupé par le retard pris en matière d’intégration de l’IA
Mais la route reste semée d’obstacles. Le président Mirziyoyev a lui-même reconnu que les compétences locales en matière de développement d’algorithmes restaient limitées et qu’une formation intensive serait nécessaire. « Tous nos ministres et responsables voient à l’étranger comment l’intelligence artificielle facilite la vie des citoyens et dynamise les entreprises. Pourquoi ne pourrions-nous pas faire de même ? », a-t-il lancé lors de son allocution.
Pour y parvenir, le gouvernement mise sur les universités et les jeunes ingénieurs. De nouveaux programmes d’enseignement de l’IA ont été introduits dans les établissements d’enseignement supérieur, tandis qu’un modèle linguistique national fondé sur l’intelligence artificielle est en cours de développement afin de préserver l’identité culturelle tout en garantissant la souveraineté numérique du pays. Ce modèle doit être capable de comprendre et de traiter l’ouzbek dans toutes ses nuances, un atout stratégique pour la création d’applications locales et la formation de futurs experts.
En Ouzbékistan, l’IA s’invitera dans les hôpitaux, les tribunaux et les services municipaux
À court terme, l’Ouzbékistan prévoit d’intégrer l’IA dans les hôpitaux, les tribunaux et les services municipaux. Des assistants virtuels seront déployés pour aider les médecins à diagnostiquer les cancers à partir d’imageries médicales et pour offrir aux citoyens des conseils juridiques automatiques. L’enjeu est d’alléger la charge administrative et de mieux répondre aux besoins de la population. À moyen terme, d’ici 2030, le gouvernement espère créer plus de 300.000 emplois qualifiés dans le numérique et faire de l’Ouzbékistan un centre technologique régional.
À travers cette mobilisation sans précédent, Tachkent veut prouver qu’un pays émergent peut, en misant sur l’intelligence artificielle, rattraper son retard technologique et bâtir une économie plus résiliente. Si les promesses sont tenues, l’Ouzbékistan pourrait devenir, à l’horizon 2030, l’un des pionniers de l’IA en Asie centrale — un pari audacieux, mais désormais inscrit au cœur de sa politique nationale.
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