Pour la première fois en Asie centrale, l’intelligence artificielle a été intégrée comme membre indépendant numérique d’un conseil d’administration. Et pas n’importe lequel : il s’agit de Samruk-Kazyna, l’entreprise publique kazakhstanaise chargée de gérer un portefeuille diversifié d’actifs et soutenir la modernisation de l’économie. L’annonce a immédiatement suscité l’attention des milieux économiques, politiques et technologiques.
L’intelligence artificielle au cœur du conseil d’administration de Samruk-Kazyna
L’intégration officielle de l’intelligence artificielle au conseil d’administration de Samruk-Kazyna repose sur un système baptisé SKAI, pour Samruk-Kazyna Artificial Intelligence. Cette intelligence artificielle agit comme un membre numérique indépendant, capable d’analyser des masses considérables de données. Elle exploite notammentés critiques et processus décisionnels depuis 2008. Grâce à cette capacité d’analyse rétrospective, l’intelligence artificielle éclaire les décisions stratégiques en s’appuyant sur près de deux décennies d’archives.
Toutefois, contrairement aux logiciels classiques, l’intelligence artificielle intégrée au conseil d’administration de Samruk-Kazyna fonctionne sur une infrastructure fermée. Elle est hébergée sur le superordinateur Al Farabium de l’opérateur national Kazakhtelecom, présenté comme le deuxième plus puissant du pays. Ce choix garantit l’isolation totale des données et empêche tout transfert d’information hors du territoire national. Ainsi, l’intelligence artificielle s’inscrit dans une logique de souveraineté numérique assumée par les autorités kazakhes.
Lors de sa première participation officielle au conseil d’administration de Samruk-Kazyna, le 17 octobre 2025, l’intelligence artificielle SKAI a pris part aux discussions sur les performances du fonds sur neuf mois. Cette réunion portait notamment sur l’avancement des grands projets d’infrastructures et sur l’exécution budgétaire. À cette occasion, il a été annoncé que 99% des fonds destinés aux grands projets d’investissement avaient été engagés.
L’intelligence artificielle comme outil stratégique du conseil d’administration de Samruk-Kazyna
Le déploiement de l’intelligence artificielle au sein du conseil d’administration de Samruk-Kazyna ne repose pas seulement sur des calculs statistiques. SKAI s’appuie sur Alem LLM, un modèle en langue kazakhe. Cette précision linguistique permet à l’intelligence artificielle de comprendre les documents administratifs, juridiques et économiques dans leur formulation originale, sans dépendre de traductions intermédiaires.
Sur le plan philosophique, cette décision traduit un changement profond dans la gouvernance publique. « La nomination d’un réseau neuronal fondé sur l’intelligence artificielle au conseil d’administration est un saut quantique : la technologie et l’humain commencent à prendre des décisions ensemble, et la numérisation dépasse les processus pour devenir une philosophie de gestion », a déclaré Nurlan Zhakupov. Le conseil d’administration de Samruk-Kazyna devient ainsi une véritable vitrine internationale de la transformation numérique kazakhe portée par l’intelligence artificielle.
L’ampleur financière des actifs pilotés par le conseil d’administration renforce la portée de cette expérimentation. Le portefeuille d’investissement de Samruk-Kazyna comprend environ 130 projets, pour une valeur totale de 53.000 milliards de tenges, soit environ 103,2 milliards d’euros. À ce niveau de masse financière, chaque arbitrage soutenu par l’intelligence artificielle a un impact macroéconomique direct.
Quand l’innovation technologique devient un levier de gouvernance
Samruk-Kazyna occupe une place importante dans l’économie du Kazakhstan. Le fonds souverain a été créé en 2008 par la fusion des entités publiques Samruk et Kazyna. L’État kazakhstanais reste son unique actionnaire. À travers cette structure, le conseil d’administration supervise certains des secteurs les plus stratégiques du pays : énergie, transport, télécommunications, industrie lourde et logistique. La mission de Samruk-Kazyna consiste à accroître le bien-être national à long terme par une gestion efficace d’un portefeuille diversifié d’actifs et par le soutien à la modernisation de l’économie. Dans cette mécanique, l’intelligence artificielle devient un outil d’optimisation, mais aussi un instrument d’anticipation. Elle permet au conseil d’administration d’évaluer plus finement les risques, de comparer les scénarios d’investissement et d’objectiver des choix jusqu’ici fondés sur l’expertise humaine seule.
L’arrivée de l’intelligence artificielle dans les instances dirigeantes intervient alors que le Kazakhstan multiplie les annonces sur la numérisation de ses administrations, de ses services publics et de son industrie. En intégrant l’intelligence artificielle au conseil d’administration de Samruk-Kazyna, l’État envoie un signal fort aux investisseurs étrangers, mais aussi aux acteurs locaux. Il affirme que l’innovation technologique n’est plus un simple secteur économique, mais un levier de gouvernance.
Dans cette configuration, l’intelligence artificielle ne remplace pas les administrateurs humains. Elle agit comme un membre indépendant numérique, sans droit de vote formel, mais avec un rôle consultatif permanent. Ce positionnement limite les risques juridiques tout en maximisant l’influence opérationnelle. Pour le conseil d’administration de Samruk-Kazyna, cette coopération entre intelligence humaine et intelligence artificielle pourrait devenir un modèle exportable à d’autres institutions publiques de la région.
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