Ouzbékistan : TVA à 0% sur les produits agricoles dès 2026
Ouzbékistan : TVA à 0% sur les produits agricoles dès 2026

C’est une grande première en Ouzbékistan : la TVA à 0% sur les produits agricoles entre en vigueur au 1ᵉʳ janvier 2026. Cette réforme de TVA, ambitieuse et ciblée, doit alléger la charge fiscale, fluidifier les circuits et amoindrir la part de l’économie informelle, tout en protégeant le porte-monnaie des ménages.

Pourquoi la TVA zéro sur les produits agricoles peut changer la donne

Le 4 septembre 2025, l’Ouzbékistan a officialisé une mesure phare : l’abolition de la TVA sur la vente par les fermes et les agriculteurs individuels de leurs propres produits, avec application dès 2026. La TVA reste à 12% sur la plupart des denrées aujourd’hui, mais, dès le basculement, elle sera nulle pour les fruits, légumes, viande, lait, œufs et autres produits, à l’exception du coton et des céréales, conformément aux annonces officielles. La TVA est au cœur de la politique agricole du pays : elle structure les marges, mais aussi l’incitation à la formalisation; dès lors, sa neutralisation partielle ouvre un nouvel espace de compétitivité.

Alors, pourquoi une TVA zéro sur les produits agricoles peut changer la donne ? Premièrement, la TVA pèse sur la trésorerie des exploitations, donc sur l’investissement. En supprimant la TVA sur la vente directe des produits agricoles, l’État déplace la pression fiscale hors du premier maillon, ce qui, mécaniquement, augmente la marge brute. Selon la Présidence, la TVA à 12% sur les denrées constituait une friction notable; en la ramenant à zéro pour ces ventes, les autorités visent un gain net de 300 milliards de soums par an pour les exploitations, tandis que 400 milliards supplémentaires seraient récupérés grâce à un nouveau mécanisme de remboursement de TVA sur les intrants, ce qui constitue une bouffée d’oxygène significative. Par ailleurs, la TVA ainsi reconfigurée devrait réduire la part d’économie informelle qui, jusqu’ici, rognait l’assiette fiscale mais aussi la compétitivité des acteurs transparents.

Deuxièmement, la TVA zéro s’accompagne d’un maintien du droit à remboursement sur les intrants, ce qui est décisif. Le dispositif conservera la restitution de la TVA payée sur les semences, les engrais, le carburant, le transport et l’électricité ; autrement dit, la chaîne de valeur ne sera pas amputée des bénéfices de neutralité économique théorique de la TVA. Ainsi, la TVA ne se transformera pas en coût détourné : elle deviendra au contraire un levier de trésorerie via un remboursement accéléré, annoncé en trois jours via une plateforme numérique dédiée. En outre, la TVA zéro sur les produits agricoles des fermes et dehkan permettra d’aligner les incitations : vendre officiellement ne sera plus pénalisant, ce qui est vital pour la transparence.

Chaîne de valeur, remboursement de TVA et trésorerie des agriculteurs

Concrètement, la chaîne de valeur agricole souffre lorsque la TVA est acquittée sans pouvoir être intégralement récupérée en aval. Jusqu’ici, de nombreux agriculteurs vendaient en liquide, précisément pour contourner les rigidités de TVA ; avec la TVA désormais nulle à la sortie des exploitations et le maintien du crédit d’impôt sur intrants, l’arbitrage bascule. La TVA cesse d’être un motif d’opacité comptable et un frein à la bancarisation des flux ; elle redevient neutre, et même positive en trésorerie grâce au remboursement rapide. De plus, la TVA ainsi aménagée devrait favoriser la montée en gamme des filières : transformation, conditionnement, logistique froide et mise aux normes, autant d’étapes où la TVA déductible est clé.

Au niveau microéconomique, les autorités avancent des repères chiffrés. Aujourd’hui, la rentabilité moyenne des fermes tournerait autour de 5–7%, alors que, avec la réforme de TVA, elle pourrait atteindre 15%, selon le ministère de l’Agriculture. Cette bascule, si elle se confirme, change le profil de risque des exploitations et facilite l’accès au crédit. Dans le même temps, la TVA zéro reste ciblée : les exceptions (coton, céréales) évitent de déstabiliser des filières stratégiques et fortement régulées. Enfin, la TVA ainsi modifiée s’articule avec d’autres réformes annoncées en amont pour simplifier l’administration de l’impôt, donc pour réduire les coûts de conformité qui pèsent, par ricochet, sur les produits agricoles.

TVA sur les produits agricoles : c’est comment ailleurs dans le monde ?

À l’international, plusieurs pays ont utilisé la TVA comme amortisseur sur l’alimentation, souvent de manière temporaire. En Espagne, après une période de TVA à 0% sur des denrées de base pour contrer l’inflation, le pays est revenu au taux super-réduit de 4% depuis le 1ᵉʳ janvier 2025 ; autrement dit, l’outil TVA a été mobilisé puis normalisé, afin de préserver les recettes tout en lissant les prix. Cette trajectoire illustre que la TVA peut être modulée sans rompre la chaîne de valeur, mais aussi que la soutenabilité budgétaire reste un impératif. Dans le cas ouzbek, la TVA zéro s’applique spécifiquement aux ventes des producteurs primaires (à l’exclusion du coton et des céréales), ce qui répond à une logique de ciblage sectoriel plus qu’à une logique générale de consommation.

Par ailleurs, d’autres États ajustent la TVA sur l’agro-alimentaire ou les services de bouche pour soutenir le pouvoir d’achat ou les filières. L’Allemagne a décidé de maintenir jusqu’en 2026 le taux réduit de 7% pour la restauration, afin de préserver l’écosystème post-crise. On le voit, la TVA est devenue un instrument de politique économique fine : tantôt lissée, tantôt abaissée, parfois rétablie. Dès lors, l’Ouzbékistan fait un choix distinct : une TVA à 0% au tout début de la chaîne, chez les agriculteurs, et non au moment final de la consommation, ce qui devrait mieux soutenir l’offre locale, améliorer l’inclusion des petits producteurs et, idéalement, renforcer la compétitivité à l’export des produits agricoles transformés.

Illustration www.freepik.com.

Par Païsiy Ukhanov
Le 09/05/2025

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