Dans une longue interview au magazine kazakhstanais Exclusive, Victor Maïko, le nouvel ambassadeur d’Ukraine au Kazakhstan, a détaillé la relance du dialogue politique entre les deux pays, en insistant sur des gains logistiques chiffrés et en précisant une vision énergétique où l’Ukraine, pourtant sous pression, garde des atouts solides. L’Ukraine cherche ainsi, méthodiquement, à rehausser ses liens avec Astana en s’appuyant sur des mécanismes concrets et mesurables, tout en s’inscrivant, néanmoins, dans un environnement régional tendu.
Une unité dédiée à l’Asie centrale créée au sein du ministère ukrainien des Affaires étrangères
Le 25 août 2025, l’Ukraine a mis en avant, par la voix de son nouvel ambassadeur à Astana, une stratégie calibrée pour approfondir ses relations avec le Kazakhstan. L’Ukraine veut rétablir un dialogue politique « intégral » avec l’Asie centrale, tandis que le contexte énergétique et commercial impose des choix pragmatiques, ainsi que des coopérations étroites.
Dans l’interview, l’ambassadeur explique que l’Ukraine a créé une unité dédiée à l’Asie centrale au sein du ministère des Affaires étrangères, preuve d’une priorisation structurée de la région ; l’Ukraine entend, en conséquence, restaurer « le dialogue politique en plein volume » avec les pays d’Asie centrale, et le Kazakhstan, notamment, est décrit comme acteur clé par son poids économique et politique, a déclaré l’ambassadeur dans un entretien au magazine Exclusive.kz le 25 août 2025. « Je rejette le terme espace post-soviétique », a-t-il néanmoins insisté, ce qui encadre, toutefois, une diplomatie d’équilibre.
Victor Maïko a fait savoir que l’Ukraine souhaite atteindre, puis aller au-delà du niveau des relations diplomatiques de 2020–2021. (Il faut savoir que le précédent ambassadeur d’Ukraine au Kazakhstan avait été rappelé par Kiev en octobre 2025, après qu’il avait proféré des propos xénophobes au sujet des russes ethniques au Kazakhstan – il avait été aussitôt convoqué au ministère des affaires étrangères du Kazakhstan, où le ministre lui avait indiqué que ses propos étaient incompatibles avec l’exercice de ses fonctions d’ambassadeur. Il a finalement été rappelé par Kiev en octobre 2022, et le poste était resté vacant depuis.)
L’Ukraine veut donc structurer des formats concrets avec Astana, et l’ambassadeur rappelle des signaux récents : le 11 août 2025, le président Tokaïev avait réaffirmé l’« intérêt inconditionnel » du Kazakhstan pour une paix durable en Ukraine, ce qui conforte, par ailleurs, la volonté ukrainienne d’ancrer la relation sur un socle institutionnel et apaisé.
L’Ukraine est très intéressée par les opportunités offertes par le Corridor transcaspien
Sur la logistique, l’ambassadeur avance un levier immédiat : depuis mars 2025, une nouvelle liaison par ferry en mer Noire réduirait d’environ 20% les coûts de transport. L’Ukraine mise ainsi sur le Corridor transcaspien, qui relie la Roumanie, la Turquie, la Géorgie, l’Azerbaïdjan et le Kazakhstan, afin de contourner les goulets hérités, mais aussi de diversifier les routes, a indiqué Victor Maïko.
Côté volumes, l’ambassadeur crédite le Kazakhstan d’une hausse de plus de 60% du transit en 2024, pour atteindre 4,5 à 5 millions de tonnes, l’Ukraine cherchant, par conséquent, à se brancher sur cette dynamique. L’Ukraine voit ainsi une opportunité d’abaisser des coûts unitaires et d’accroître la prévisibilité des délais, tandis que le maillage ferro-maritime s’améliore, ce qui consolide l’articulation Ukraine–Kazakhstan au sein du corridor eurasiatique.
L’Ukraine propose ses capacités de stockage de gaz
Sur l’énergie, l’ambassadeur évoque un double pivot : l’Ukraine a porté sa production gazière intérieure à environ 20 milliards de m³ par an et dispose d’environ 32 milliards de m³ de stockage souterrain ; l’Ukraine peut, dès lors, proposer des capacités de stockage à des partenaires européens et régionaux, ce qui renforce son rôle de stabilisateur sur le marché régional.
L’ambassadeur projette un « corridor énergétique Sud » : l’Ukraine verrait la coopération autour du pétrole kazakhstanais vers Bakou et du gaz turkmène, alors que le Corridor transcaspien soutiendrait les flux. L’Ukraine rappelle par ailleurs des capacités exportatrices retrouvées, avec 100 millions de tonnes d’exportations totales (dont plus de 60 millions de tonnes de produits agroalimentaires), ce qui, néanmoins, reste à rapprocher des statistiques récentes montrant, en parallèle, que l’Ukraine a enregistré 20,0 milliards de dollars d’exportations et 38,6 milliards de dollars d’importations au premier semestre 2025 (un déficit de 18,51 milliards de dollars donc, selon l’Agence nationale de statistique ukrainienne). L’Ukraine doit donc conjuguer ambition logistique et contraintes macroéconomiques.