Alors que le Kazakhstan dépend encore largement des importations pour son alimentation, le gouvernement affiche un cap ambitieux : atteindre l’autosuffisance alimentaire d’ici 2028. Un pari stratégique qui mêle relance agricole, investissements massifs et mesures de régulation des prix.
L’alimentaire, priorité stratégique pour le Kazakhstan
Le 19 août 2025, les autorités kazakhstanaises ont rappelé leur objectif : garantir une indépendance alimentaire totale à l’horizon 2028. Ce projet alimentaire s’appuie sur une feuille de route nationale et un vaste programme de modernisation du complexe agro-industriel. Malgré une progression notable de la production locale, la dépendance vis-à-vis des importations reste critique pour plusieurs produits.
La sécurité alimentaire est désormais érigée en priorité nationale. Selon le Service de communication présidentiel, la « Feuille de route pour doubler la production agricole brute d’ici 2028 » doit permettre au Kazakhstan d’assurer sa propre consommation sans recourir à des importations massives. Les responsabilités sont partagées entre le ministère de l’Agriculture, garant de la disponibilité physique des denrées, et le ministère du Commerce et de l’Intégration, chargé d’assurer la dimension économique.
Le vice-ministre de l’Agriculture Yermek Kenzhekhanuly a précisé : « Le volume de production alimentaire a augmenté de 10,5% pour atteindre 1,8 trillion de tenges. Ont progressé la transformation de la viande, du lait, de la farine, des huiles et des pâtes ». Cette hausse illustre les efforts déployés mais masque des fragilités persistantes.
Des résultats tangibles mais une dépendance importée
Sur la période 2021-2024, la production brute agricole a atteint 8,3 trillions de tenges, en hausse de 11,3%. Les rendements végétaux ont crû de 14%, et la production animale de 5,6%. La production alimentaire a atteint 1,8 trillion de tenges, avec une progression de 10,5%.
Cependant, la dépendance aux importations reste considérable. Sur les quatre premiers mois de 2025, 73,8% du sucre, 76,3% du thé et du café, 61% du chocolat, 62,8% des levures et plus de 51% du poisson ont été importés. Les analystes d’Energyprom préviennent : « La sécurité alimentaire ne peut être garantie sans investissements dans le secteur. Il est nécessaire de diversifier la production nationale ». Ces chiffres rappellent que la stratégie alimentaire repose sur une course contre la montre.
La volaille et le lait au cœur du plan alimentaire
Le secteur avicole concentre une partie des efforts. Entre 2022 et 2024, 17 usines de transformation ont vu le jour, avec une capacité totale de 144.000 tonnes, ce qui a fait passer l’autosuffisance en viande de volaille de 67% à 79%. D’ici 2028, 41 nouvelles unités devraient permettre de couvrir la demande intérieure.
La filière laitière est également en transformation. De 19 fermes en 2019, le pays est passé à 69 fermes opérationnelles aujourd’hui, avec 47 en construction. Une fois actives, elles produiront 600.000 tonnes de lait supplémentaires par an, suffisantes pour assurer l’autosuffisance en fromages et produits frais. Vladimir Kozhevnikov, directeur de l’Union laitière, estime même que l’autosuffisance pourrait être atteinte dès 2027, malgré des défis liés à la qualité et à la concurrence des importations.
Une politique alimentaire articulée avec la régulation des prix
Au-delà de la production, le gouvernement agit sur les prix, un facteur essentiel pour la sécurité alimentaire. Selon la vice-ministre du Commerce Aizhan Bizhanova, l’inflation alimentaire a ralenti en 2025, passant de 1,6% en avril à 0,1% début août 2025. Pour soutenir la compétitivité des produits locaux, des mesures obligent les distributeurs à réduire les délais de paiement aux fournisseurs et instaurent un contrôle citoyen baptisé « Sapały ónim ».
Dans un contexte où les importations pèsent encore lourdement sur la consommation, ces politiques sont essentielles pour stabiliser le marché intérieur. Les condiments, les noix, les légumes en conserve ou encore certaines charcuteries restent importés à plus de 50%, mais l’État mise sur des investissements ciblés pour inverser la tendance.
Un horizon alimentaire sous condition d’investissements
Malgré les progrès déjà visibles, l’autosuffisance alimentaire du Kazakhstan demeure conditionnée à des investissements structurels. Le renforcement du complexe agro-industriel, la modernisation des infrastructures et la diversification des cultures sont indispensables. Comme l’a souligné Yermek Kenzhekhanuly : « Viande, lait, œufs, légumes, farine sont déjà produits en quantité suffisante pour la population ». Mais pour le sucre, le poisson, les fromages et le chocolat, l’équation reste ouverte.