Le 14 août 2025, les autorités kazakhstanaises ont annoncé le déploiement progressif d’un réseau radio numérique dédié aux secours, indépendant d’Internet et des infrastructures télécoms privées. Une stratégie technique peu médiatisée, mais qui réinterroge en profondeur les standards actuels de communication d’urgence.
Un réseau autonome face à l’urgence
Le Kazakhstan a initié la mise en place d’un réseau radio numérique spécifiquement conçu pour les secours, une initiative sans équivalent dans l’espace post-soviétique. Cette plateforme, bâtie sur les ondes ultra-courtes, permet une communication sécurisée et continue, même en cas de coupure Internet ou de saturation des lignes mobiles. « Nous sommes en train de connecter toutes les régions à ce système, afin que nos équipes puissent intervenir plus rapidement et de manière coordonnée », a déclaré Adilkhan Nauryzbay, chef du département des technologies au ministère des Situations d’urgence de la République du Kazakhstan, au micro de la chaîne de télévision Jibek Joly. Treize régions sur les quatorze que compte le pays sont déjà intégrées. Le réseau prévoit huit stations de base supplémentaires, garantissant une couverture continue sur le territoire national.
Une infrastructure nationale pour centraliser les secours
Le nouveau réseau ne se contente pas d’être un canal de secours : il vise à unifier les communications entre les principales structures impliquées dans la gestion de crise. Sont déjà interconnectés : le ministère des Situations d’urgence, la police, et la Garde nationale. Suivront les services médicaux d’urgence, les entités ferroviaires et les brigades forestières, notamment actives dans la prévention des feux.
Le plan de déploiement inclut :
– 1.141 radios portatives,
– 350 casques PTT (Push-to-Talk),
– 67 radios mobiles pour véhicules,
– 24 unités fixes,
– 35 téléphones satellites,
– 22 drones de reconnaissance,
– 11 relais portables,
– et 27 relais fixes.
Ce maillage permet non seulement une circulation fluide de l’information, mais aussi une réduction notable du temps de réponse en cas de catastrophe naturelle ou technologique.
L’indépendance technologique comme rempart stratégique
Pourquoi construire un tel réseau alors que les téléphones mobiles sont omniprésents ? « Ce système n’a pas besoin d’Internet ni de réseau cellulaire pour fonctionner. Il garantit une communication directe, stable et cryptée », estime Ruslan Seitov, directeur adjoint de l’informatisation au sein du ministère des Situations d’urgence.
C’est un tournant. À l’inverse de la majorité des pays européens ou nord-américains, où les services d’urgence s’appuient sur les réseaux privés (comme TETRA ou FirstNet aux États-Unis), le Kazakhstan choisit l’autonomie totale. Ce modèle réduit les vulnérabilités, notamment face aux cyberattaques, aux catastrophes naturelles ou à la panne d’infrastructures privées.
En Europe, si la France ou l’Allemagne ont investi dans des réseaux dédiés pour la police ou les pompiers, ceux-ci restent le plus souvent adossés à des opérateurs mobiles, avec tous les risques de dépendance que cela implique. Le Kazakhstan, lui, parie sur un modèle souverain, modulaire et interopérable, potentiellement exportable à d’autres États d’Asie centrale.
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