Tadjikistan : près de 1.000 réfugiés afghans déportés en un mois
réfugiés afghans

976 réfugiés afghans ont été déportés du Tadjikistan vers l’Afghanistan en moins d’un mois, rapporte l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Cette annonce suscite de vives inquiétudes dans un contexte où les droits des exilés afghans s’érodent dans toute l’Asie centrale.

Un bilan sans précédent : près de 1.000 personnes expulsées du Tadjikistan

Selon le dernier rapport de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 976 personnes ont été renvoyées de force entre le 17 juillet et le 10 août 2025, via le poste-frontière de Panj-i-Poyon / Sher Khan Bandar. Sur les 1.647 traversées enregistrées à cette frontière pendant la même période, seules 671 étaient volontaires – des visites familiales ou des retours temporaires.

Le chiffre, inédit sur une si courte période, marque un tournant dans la politique migratoire du Tadjikistan, qui justifie ces expulsions par la violation de lois nationales.

« Ils ont violé la loi » : la ligne officielle du gouvernement

Le 7 août, le ministre de l’Intérieur Ramazon Rahimzoda a assumé publiquement ces renvois : « Même si certains étaient enregistrés légalement, lorsqu’on enfreint la loi, on devient illégal ».

Mais derrière cette déclaration, peu d’éléments concrets. Aucun chiffre officiel n’a été publié sur les infractions commises. Le flou demeure total quant aux critères de sélection des déportés. Certains observateurs évoquent une application arbitraire de la législation, voire des violations des engagements internationaux du Tadjikistan.

Rafles silencieuses, départs forcés

Des témoignages relayés par plusieurs ONG et médias indépendants font état d’arrestations dans les rues, les marchés, parfois dans des domiciles privés. À Roudaki ou Vahdat, des familles entières auraient été interpellées sans préavis, privées de recours juridiques, puis déportées.

D’après Open Doors UK, des enfants, des personnes âgées, et des chrétiens figurent parmi les victimes. L’organisation évoque des cas de séparation familiale, notamment de réfugiés en cours de procédure de réinstallation vers des pays tiers.

Réfugiés ou criminels ? Le glissement sémantique

Les autorités tadjikes accusent certains déportés de faits graves : faux documents, activité extrémiste, trafic de drogue, voire usage du territoire comme point de transit. Mais là encore, peu de preuves sont avancées. Ce glissement rhétorique — de réfugié à menace — permet de justifier politiquement des renvois massifs, y compris pour des personnes enregistrées auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

Un contexte géopolitique explosif

La reconnaissance récente du régime taliban par Moscou a redéfini les équilibres en Asie centrale. Pour le Tadjikistan, traditionnellement en tension avec les Talibans, cette nouvelle donne semble peser lourd. L’harmonisation avec la ligne russe pourrait expliquer ce durcissement soudain envers les exilés afghans. Dans la région, d’autres pays, comme le Pakistan ou l’Iran, ont récemment intensifié les retours forcés d’Afghans, parfois par centaines de milliers. Le Tadjikistan semble emboîter le pas, au mépris du principe de non-refoulement garanti par le droit international.

Une situation humanitaire alarmante

Le HCR recense environ 10.000 réfugiés afghans au Tadjikistan, dont une majorité à Douchanbé. Après ces vagues de déportation, impossible de savoir combien restent. Aucun chiffre n’a été communiqué. La peur, elle, est omniprésente.

En moins de trente jours, près de 1.000 personnes ont été renvoyées vers un pays en guerre, souvent sans explication, ni recours. Le Tadjikistan, petit État frontalier mais grand acteur de cette crise migratoire, choisit le silence et la répression. Les réfugiés afghans, eux, n’ont plus le choix : fuir à nouveau, ou disparaître.

Illustration www.freepik.com.

Par Païsiy Ukhanov
Le 08/14/2025

Newsletter

Pour rester informé des actualités de l’Asie centrale