Le Kazakhstan rebat les cartes. Une stratégie claire, des annonces concrètes et un objectif assumé : devenir un acteur incontournable de l’intelligence artificielle. Mais jusqu’où ira cette ambition ?
Tokaïev impulse une stratégie nationale pour l’intelligence artificielle
Le 11 août 2025, le président kazakhstanais, Kassym-Jomart Tokaïev, a convoqué un sommet stratégique à Akorda, au cœur d’Astana. L’enjeu : l’intelligence artificielle, désormais considérée comme un levier de souveraineté numérique et un moteur de croissance nationale. Alors que la concurrence mondiale s’intensifie, le Kazakhstan entend structurer ses ambitions autour d’une vision claire, d’une gouvernance renforcée et d’investissements massifs.
Lors de ce sommet, le président Tokaïev a fixé un cap sans équivoque : « L’intelligence artificielle ouvre de vastes perspectives de développement. Elle doit devenir la force motrice de toutes les branches de l’économie ». Face à une concurrence internationale féroce – des États-Unis à la Chine –, le chef de l’État a rappelé que « sans IA, il est aujourd’hui impossible de rester compétitif à l’échelle globale ». Selon lui, le Kazakhstan doit s’engager « dans une politique cohérente, pragmatique, et pilotée par des objectifs clairs ».
Parmi les neuf priorités dévoilées figurent :
– l’intégration de l’IA dans le secteur industriel avec le soutien du fonds souverain Samruk-Kazyna ;
– la modernisation numérique des services publics grâce à des modèles de type ChatGPT ;
– la refonte législative, avec un projet de loi sur l’IA à finaliser d’ici octobre 2025 ;
– le déploiement d’une plateforme numérique nationale souveraine : QazTech.
Investissements massifs et ambitions chiffrées
Le virage stratégique opéré par le Kazakhstan s’appuie sur des investissements ciblés. Le pays ambitionne cinq milliards d’euros d’exportations de produits et services liés à l’IA d’ici 2029. Ce chiffre illustre la volonté de faire émerger un secteur compétitif à l’international.
La dynamique repose aussi sur des infrastructures puissantes. Le président a annoncé la mise en exploitation d’un supercalculateur – le plus puissant d’Asie centrale – et un gel des projets numériques hors de la plateforme QazTech dès janvier 2026. L’objectif : centraliser, sécuriser, rationaliser.
Côté formation, le gouvernement vise la formation de 100.000 spécialistes en technologies de l’information d’ici 2025, via des programmes comme Astana Hub et Tech Orda. Une nécessité alors que la barrière linguistique freine encore les performances des développeurs locaux, comme l’a révélé une étude de Stanford : les développeurs kazakhstanais utilisant l’IA en anglais voient leur productivité progresser de 17,1%, contre 13,8% pour ceux travaillant en russe ou kazakh.
Santé, éducation, cybersécurité : l’IA investit tous les secteurs
La santé constitue un terrain d’application prioritaire. « Grâce à l’intelligence artificielle, nous pouvons concevoir des outils performants pour le diagnostic, le suivi et la personnalisation des traitements », a souligné Kassym-Jomart Tokaïev dans son discours du 11 août 2025. Toutefois, il dénonce « la fragmentation des systèmes d’information médicaux » et appelle à une intégration rapide, notamment via la suppression des rigidités administratives.
Dans l’éducation, le programme AI-Sana sera étendu afin de former élèves et enseignants aux usages responsables de l’intelligence artificielle. Un effort d’acculturation indispensable, selon le président, pour que « le Kazakhstan devienne un État numérique à part entière dans les cinq prochaines années ».
Sur le front de la cybersécurité, l’alerte est donnée : « Depuis janvier [2025], plus de quarante fuites massives de données ont été recensées », rappelle le président. L’objectif est clair : recentrer les communications sensibles sur le messager sécurisé local Aitu et corriger les défaillances de gouvernance entre institutions en matière de sécurité numérique.
Régulation, éthique, souveraineté : les nouveaux fondements juridiques
Kassym-Jomart Tokaïev plaide pour un cadre législatif équilibré, intégrant les normes internationales. Il cite les modèles en gestation aux États-Unis, en Europe, en Chine et au Canada, tout en appelant à « un droit national protecteur mais non contraignant », propice aux investissements et à l’innovation.
Un projet de loi sur l’intelligence artificielle, devant inclure des mécanismes de transparence, de responsabilité et de protection des droits, sera présenté au Parlement d’ici deux mois.
« Cette mission sera placée sous mon contrôle personnel », a averti Kassym-Jomart Tokaïev, exigeant des rapports dans les deux mois. Le président ne cache pas l’urgence ni l’ampleur de la transformation numérique qu’il appelle de ses vœux. Un écosystème de start-ups soutenues à l’export, des partenariats internationaux, des centres de recherche et une gouvernance resserrée doivent permettre au Kazakhstan de s’affirmer comme le hub numérique de l’Eurasie.
Entre promesse politique et exigence technique, l’avenir de l’intelligence artificielle kazakhe s’écrit dès maintenant – à condition que les ambitions annoncées trouvent leur traduction concrète sur le terrain.