Au Kazakhstan, l’argent public destiné à soutenir les exploitations agricoles devra désormais prouver sa rentabilité. Une révolution bureaucratique ou une véritable exigence de résultats ?
Subventions agricoles : cap sur les résultats mesurables
Le 28 juillet 2025, une réforme inattendue a bouleversé le fonctionnement des subventions agricoles au Kazakhstan. Les agriculteurs, jusqu’alors bénéficiaires sans grande conditionnalité, sont désormais contraints de démontrer noir sur blanc l’impact des aides reçues. Objectif : s’assurer que chaque tengue investi par l’État produit du concret. Une exigence nouvelle, née d’un constat cinglant.
À l’origine de cette réforme, un audit public réalisé en décembre 2024. La Haute chambre d’audit du Kazakhstan a mis en lumière une gestion des subventions pour le moins… laxiste. Pas moins de 142 milliards de tenges — l’équivalent d’environ 280 millions d’euros — auraient été engloutis sans effet notable sur la production, l’emploi ou les rendements agricoles.
« Les fonds étaient alloués sans mécanisme de contrôle solide, certains allant même à des entreprises fictives », a reconnu le Premier ministre Alikhan Smailov, selon les informations relayées par Kursiv dans son édition du 28 juillet 2025. Le ton est donné : il ne s’agit plus seulement de donner, il faut désormais exiger.
L’État serre la vis sur les bénéficiaires
La nouvelle règle est claire : les exploitations recevant une subvention devront démontrer son utilité. Comment ? Par des indicateurs concrets : hausse de la production, création de nouveaux emplois, amélioration des rendements. L’idée n’est pas de punir, mais de rediriger les aides vers ceux qui investissent vraiment.
Ce changement de paradigme n’est pas anodin. Il consacre la fin d’un modèle paternaliste où l’État « aide parce qu’il le faut ». Désormais, les agriculteurs sont placés dans une logique contractuelle : une subvention = un engagement de performance. Ce virage s’inscrit dans la lignée des recommandations émises par la chambre d’audit, dont les autres suggestions — notamment un meilleur ciblage régional des aides — sont encore en cours d’application.
Une bureaucratie plus exigeante mais plus claire ?
Pour encadrer cette transformation, les autorités misent sur la transparence numérique. Un portail officiel a été lancé pour centraliser les demandes et les justifications. Chaque exploitation devra y détailler les usages des fonds : achat de semences, équipements, formation, etc. Et fournir, à échéance régulière, des rapports de résultats.
Le ministère kazakhstanais de l’Agriculture estime que près de 450 milliards de tenges de subventions (environ 885 millions d’euros) ont été distribuées en 2024. C’est dire l’enjeu. Ce montant colossal n’a plus vocation à se diluer dans les sables de l’inefficacité, mais à irriguer, pour de bon, des projets agricoles sérieux.
Et les agriculteurs dans tout ça ?
Certains voient dans cette réforme une opportunité. « Les aides qui fonctionnent, qui créent de la valeur, seront renforcées. C’est une bonne chose », confie un producteur de la région de Kostanaï interrogé par le site GrainUnion.kz. D’autres redoutent une surcharge administrative, un contrôle tatillon ou des critères inadaptés aux réalités du terrain.
Les petites exploitations, notamment, risquent de souffrir. Moins structurées, moins familières des procédures informatisées, elles devront pourtant répondre aux mêmes exigences que les grands groupes agro-industriels. L’administration promet des formations et un accompagnement, mais la transition s’annonce délicate.
Moins de générosité, plus de responsabilité
Cette réforme marque un tournant : les subventions agricoles ne sont plus un droit implicite, mais un contrat à remplir. L’idée n’est pas nouvelle — de nombreux pays en Europe conditionnent déjà leurs aides à des objectifs de durabilité ou de performance —, mais son application au Kazakhstan est inédite dans son ampleur.
En somme, l’État cesse d’être un simple distributeur de chèques. Il devient un investisseur. À charge pour les agriculteurs de prouver que chaque euro — ou plutôt chaque tengue — versé sert réellement à nourrir, cultiver, embaucher. Le défi est posé, et il est de taille.