Grâce à un effort de lobbying, le Kazakhstan a su obtenir de la Commission européenne une dérogation intégrée dans le dernier paquet de sanctions contre la Russie. Le Kazakhstan pourra ainsi de nouveau exporter son charbon vers l’Europe… en passant par des ports russes pourtant sanctionnés.
Charbon kazakhstanais bloqué, diplomatie kazakhe mobilisée
En février 2025, l’Union européenne adopte son 16ᵉ paquet de sanctions contre Moscou. Dans le viseur : plusieurs ports russes, désormais interdits de transactions, notamment Oust-Louga, plaque tournante logistique du charbon régional. Une mesure censée pénaliser le Kremlin mais qui, dans les faits, asphyxie un pays tiers : le Kazakhstan. Ce dernier dépend de ces infrastructures portuaires pour expédier une part significative de ses cargaisons de charbon vers l’Europe. Selon le ministère kazakhstanais du Commerce et de l’Intégration, plus de 38% du charbon exporté par le pays est destiné à l’Union européenne. Entre janvier et mai 2025, 1,6 million de tonnes y ont transité, représentant 82,9 millions de dollars.
Face à ce blocage, Astana a sorti les cartes diplomatiques. Le ministère des Affaires étrangères a multiplié les consultations avec Bruxelles pour obtenir une révision ciblée des sanctions. Objectif : faire la différence entre charbon russe et charbon kazakhstanais.
Une dérogation obtenue dans les sanctions contre la Russie
Le 18ᵉ paquet, adopté le 18 juillet 2025, acte un changement de cap. L’Union européenne autorise désormais certaines utilisations des ports russes sanctionnés… mais sous des conditions très strictes. Le charbon doit être extrait au Kazakhstan, appartenir à une entité non russe et ne faire l’objet d’aucune transaction ni transformation sur le sol russe. En somme, la Russie devient simple terre de transit. Une précision capitale pour les acteurs kazakhstanais. « Les mesures prises permettent d’espérer une reprise des livraisons de charbon kazakhstanais vers l’UE, tout en renforçant la résilience des itinéraires logistiques », souligne le ministère kazakhstanais du Commerce.
L’affaire met en lumière une réalité inconfortable : les sanctions, lorsqu’elles manquent de souplesse, peuvent frapper au mauvais endroit. Le Kazakhstan, pays neutre dans le conflit russo-ukrainien, s’est retrouvé malgré lui pris au piège d’un dispositif trop global. Ce n’est pas la première fois que le pays en fait les frais. En mars 2025, la Russie elle-même avait temporairement suspendu les exportations de pétrole kazakhstanais via ses ports en mer Noire, officiellement pour des « raisons techniques ».
Le cas du charbon montre combien l’Union européenne doit affiner ses mécanismes de sanction. Car si l’objectif est de toucher l’économie russe, il serait contre-productif de sacrifier, par ricochet, des partenaires commerciaux stratégiques. Le Kazakhstan, riche en ressources fossiles, joue un rôle croissant dans la diversification énergétique de l’Europe depuis le début de la guerre en Ukraine.
Un corridor logistique sous haute tension
Bien que critiqué pour son impact climatique, le charbon reste un rouage essentiel dans l’équilibre énergétique de certains pays européens. Et le Kazakhstan, avec ses réserves colossales, fournit un complément appréciable au moment où les livraisons russes ont cessé.
Cette brèche ouverte dans les sanctions rappelle enfin une vérité logistique : en Asie centrale, aucune cargaison ne quitte la région sans passer par un corridor complexe, où géographie et diplomatie dictent les règles du commerce. Le port d’Oust-Louga, aujourd’hui toléré à titre exceptionnel, symbolise cette contradiction permanente entre impératif politique et nécessité économique.