Gouvernance IA : quand Douchanbé impose sa vision au sein de l’Assemblée générale de l’ONU
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Le 25 juillet 2025, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté à l’unanimité une résolution portée par le président du Tadjikistan, Emomali Rahmon, sur l’intelligence artificielle. Une date clef qui propulse ce petit État d’Asie centrale au rang d’initiateur d’une réflexion géopolitique inédite sur l’encadrement de l’IA. Derrière les mots, une stratégie, des ambitions, et surtout, un texte concret.

Un texte inattendu, voté sans réserve

L’adoption a surpris par sa facilité. Pas d’abstention, pas d’opposition : les 193 États membres ont dit « oui » à une résolution sur l’intelligence artificielle, centrée sur son rôle dans le développement durable en Asie centrale. Ce consensus, rare en matière technologique, souligne l’habileté du Tadjikistan à formuler un texte équilibré. L’enjeu ? Créer un précédent international. La résolution, proposée dès le 24 septembre 2024 par Emomali Rahmon, s’articule autour d’une idée-force : faire de l’IA un levier régional, éthique et structurant.

Mais pourquoi le Tadjikistan ? Pourquoi maintenant ? Parce qu’il y a urgence. Urgence à maîtriser les usages civils et militaires de l’intelligence artificielle, urgence à éviter une fracture numérique entre puissances industrialisées et régions en transition. Et urgence, aussi, à imposer une lecture régulatrice face à l’inflation des discours technophiles.

Douchanbé, futur épicentre régional de l’intelligence artificielle

La résolution ne s’arrête pas à des principes généraux. Elle prévoit la création d’un Centre régional de l’intelligence artificielle à Douchanbé, capitale tadjike. Ce centre aura pour mission de coordonner la coopération entre universités, laboratoires, États et entreprises. Il devra également accompagner la montée en compétence des acteurs locaux, faciliter l’émergence de start-ups et structurer un réseau partagé de datacenters sur l’ensemble du territoire centre-asiatique.

Ce dispositif vise à offrir une alternative aux monopoles technologiques traditionnels. Et s’il réussit, il pourrait devenir un modèle. Un centre à Douchanbé aujourd’hui, des répliques ailleurs demain. Le Tadjikistan propose ici un modèle hybride : entre innovation et régulation, ouverture et contrôle, formation et souveraineté.

Éthique, sécurité et auto-régulation : le triptyque diplomatique

La force du texte repose sur sa triple ambition : bâtir une IA sûre, éthique et autonome. La résolution appelle à renforcer les mécanismes de gouvernance responsable, à l’échelle régionale mais aussi nationale. Elle met en avant des dispositifs d’auto-régulation, comme garde-fous internes, à l’image de ce que proposent certains pays nordiques. Et elle encourage l’alignement des normes entre les États de la région.

Ce sont des principes, certes, mais assortis de leviers concrets. Le texte évoque l’harmonisation des législations de surveillance, la mise en commun des infrastructures, et surtout, l’inscription de ces efforts dans une dynamique mondiale. Autrement dit, Douchanbé ne se limite pas à son voisinage. Le président Rahmon entend bien inscrire son pays dans le circuit diplomatique global, sur un dossier stratégique.

Une diplomatie technologique assumée

Ce n’est pas la première fois qu’Emomali Rahmon utilise la tribune onusienne pour lancer des initiatives. Mais c’est sans doute la plus symbolique. En convoquant l’intelligence artificielle comme vecteur de paix, de développement et de coopération, le président du Tadjikistan marque une rupture dans la géopolitique des technologies.

Il affirme que les pays dits périphériques ont aussi leur mot à dire dans l’écriture des règles du jeu numérique. Il rappelle que le futur ne doit pas être dicté par la Silicon Valley ou Pékin seuls. Et il invite à un partage des responsabilités, dans l’intérêt commun.

Par Païsiy Ukhanov
Le 07/28/2025

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