Au Kazakhstan, les fondations désormais contraintes à la transparence
Au Kazakhstan, les fondations désormais contraintes à la transparence

Le 24 juillet 2025, le Kazakhstan a décidé d’imposer à toutes les organisations caritatives l’obligation de publier le détail de leurs dépenses dans les médias. Cette réforme, présentée comme un tournant vers plus de transparence, s’inscrit dans un contexte de défiance croissante, alimentée par une affaire de fraude retentissante.

Réformer les fondations : quand les mécènes doivent s’expliquer

Fini les collectes opaques et les promesses invérifiables. Désormais, tout organisme caritatif opérant au Kazakhstan devra rendre des comptes au grand jour. Non pas seulement aux autorités, mais aux médias, et donc à l’opinion publique. Le gouvernement a tranché : chaque centime collecté devra figurer dans un rapport annuel publié noir sur blanc dans la presse. Une réforme radicale qui concerne l’ensemble du secteur caritatif. Qu’elles reçoivent quelques milliers de tenges ou plusieurs millions d’euros, toutes les associations seront logées à la même enseigne : publicité des recettes, des dépenses et des objectifs atteints.

Scandale Perizat Kairat : quand la charité déraille

Le détonateur de cette loi ? Un nom. Perizat Kairat. À la tête de la fondation Biz Birgemiz Qazaqstan, elle promettait monts et merveilles aux victimes des inondations de 2024 et aux nécessiteux. Le procès, très médiatisé ces dernières semaines au Kazakhstan, a mis au jour un système où dons bancaires, campagnes virales et absence de contrôle formaient un cocktail détonant. Deux grandes banques kazakhstanaises, Kaspi Bank et Jusan Bank, avaient respectivement versé 620 et 300 millions de tenges à la fondation. Il est certes difficiles de le leur reprocher : en avril 2024, le président du Kazakhstan, Kassym-Jomart Tokaïev, avait réparti les régions sinistrées entre les milliardaires kazakhstanais de la liste Forbes, où chacun d’entre est depuis tenu de financer la reconstruction. Quant à Perizat Kairat, elle est accusée de détournement et blanchiment de fonds, le procès se poursuit. Montant estimé : 3,5 milliards de tenges – soit plus de sept millions d’euros.

Médias mis à contribution : les nouveaux commissaires aux comptes

Mais cette réforme a une autre originalité : elle implique directement les médias. Ce sont eux qui seront désormais tenus de publier les rapports des fondations caritatives. Une façon d’éviter que les rapports ne restent confinés aux sites internet peu consultés. Mais aussi une manière d’impliquer la presse dans le contrôle citoyen.

Derrière les déclarations officielles sur la transparence, la réforme cache une volonté de reprendre la main sur un secteur en pleine expansion mais trop souvent incontrôlable. En avril 2025, le vice-Premier ministre Ermek Kosherbaev réunissait en urgence les ministères concernés, après l’éclatement de l’affaire Kairat. Dans la foulée, le vice-ministre de la Culture, Kanat Iskakov, annonçait une refonte complète de la loi sur la philanthropie. Objectif affiché : « stimuler l’aide aux plus démunis tout en assurant une transparence totale ».

Traduction : on ne veut plus de fondations bidon ni de comptes flous. Une task-force planche depuis sur un nouveau texte. Il devrait, selon les sources officielles, renforcer les obligations de publication, responsabiliser les dirigeants d’associations, et introduire des sanctions en cas de non-conformité. L’ère de l’autogestion silencieuse touche à sa fin.
Les fondations surveillées : vers une société plus cynique ou plus responsable ?

Reste une question de fond : cette hyper-transparence sera-t-elle dissuasive ? Incitera-t-elle les citoyens à donner davantage ou les refroidira-t-elle à l’idée d’aider ? Pour l’instant, le gouvernement mise sur une dynamique vertueuse : visibilité des dons, confiance restaurée, engagement accru. Mais dans un pays où les abus passés ont entaché des dizaines d’initiatives sincères, l’équilibre reste fragile.

Le cas Kairat a montré combien il est facile de manipuler l’émotion publique à des fins lucratives. Désormais, chaque fondation devra prouver son sérieux dans les colonnes des journaux. Peut-être la seule manière de laver l’honneur du mot philanthropie.

Par Rodion Zolkin
Le 07/25/2025

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