Un accord discret mais hautement symbolique a récemment été signé entre la société américaine Cove Capital et la holding publique kazakhe Tau-Ken Samruk. À la clé ? L’exploitation conjointe d’un gisement de terres rares dans la région de Kostanaï. Akbulak, un nom que l’on retiendra.
Akbulak, futur carrefour des terres rares ?
L’entreprise américaine Cove Capital, à travers sa branche locale Cove Kaz Capital Group, prend les rênes d’un projet aussi stratégique qu’ambitieux : l’exploration et le développement de plusieurs centaines de milliers de tonnes d’oxydes de terres rares. Parmi eux, le néodyme, le dysprosium ou encore le terbium — ces métaux sans lesquels la transition énergétique resterait un vœu pieux.
Situé au nord du Kazakhstan, le site d’Akbulak recèlerait, selon les premières estimations, quelque 380.000 tonnes d’oxydes. Une manne colossale pour Cove Capital, qui a promis d’en financer l’exploration jusqu’à l’inscription officielle des réserves sur les registres miniers. Le montage est clair : l’Américain détient 75% de la coentreprise, baptisée Akbulak REE Ltd., contre 25% pour Qazgeologia, organe étatique chargé de l’exploration géologique.
Le fondateur de Cove, Pini Althaus, ne cache pas ses ambitions. Pour lui, Akbulak est un « projet prometteur » qui s’inscrit dans une stratégie plus large de sécurisation des chaînes d’approvisionnement en métaux critiques. D’autant que Cove Capital ne s’arrête pas là : dans l’Est kazakh, à Gremyachinsky, l’entreprise mène déjà d’autres programmes d’exploration, cette fois pour le lithium, le tantale et le niobium.
Derrière la vitrine, une offensive industrielle bien rodée
Il faut le reconnaître : Cove Capital a bien préparé son entrée. Fondée en 2015, la société opère à l’intersection du commerce stratégique et de la diplomatie économique. Basée à New York et à Melbourne, elle a su tisser des liens solides avec les autorités kazakhes. Dès 2023, un protocole d’entente est signé avec Samruk Kazyna, le puissant fonds souverain du pays. En avril 2024, les bases sont posées avec Tau-Ken Samruk pour renforcer l’engagement de l’entreprise dans la région.
Mais c’est en juin 2025 que les choses sérieuses commencent : Cove Kaz Capital et Kaz Resources, deux entités du groupe, annoncent le lancement d’un vaste programme de terrain. Objectif ? Défricher, forer, modéliser. En clair, prendre position sur tout ce que le Kazakhstan peut encore offrir en ressources stratégiques.
Du minerai aux aimants : la chaîne courte, version Cove
Ce qui rend le projet Akbulak si sensible, ce n’est pas seulement le volume des réserves. C’est leur nature. Le néodyme et le dysprosium sont essentiels à la fabrication d’aimants permanents NdFeB, utilisés dans les éoliennes, les moteurs électriques et… les systèmes de guidage militaire. La guerre des métaux critiques ne fait pas dans le folklore.
En contrôlant la chaîne de valeur, Cove Capital ambitionne de bâtir un écosystème vertical — de la mine à l’aimant. Et ce, dans une région que Pékin considérait encore il y a peu comme sa zone d’influence exclusive. Coïncidence ? Le projet est lancé alors que l’Union européenne et les États-Unis cherchent à contourner la dépendance à la Chine pour leurs approvisionnements stratégiques.
Alors, qui tire vraiment les ficelles ? Le Kazakhstan, en quête d’investissements et de technologie, ou les États-Unis, désireux de sécuriser leur accès aux minerais critiques hors d’Asie ? Peut-être les deux. Mais à bien y regarder, la répartition des parts (75% pour Cove Capital) en dit long sur les rapports de force. Si le Kazakhstan fournit le sol, Cove contrôle les décisions. Et cette asymétrie n’échappera à personne dans les prochaines phases du projet, lorsque les questions de raffinage, de transport ou d’exportation se poseront.
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