Les derniers chiffres officiels viennent de confirmer un tournant dans les échanges extérieurs du Tadjikistan : pour la première fois, la Chine devient son premier partenaire commercial. Une donnée qui bouleverse un ordre établi depuis des décennies, non sans conséquences politiques.
La progression fulgurante de la Chine comme partenaire commercial du Tadjikistan
La Chine, qui détenait jusqu’alors la seconde place dans le palmarès des partenaires commerciaux du Tadjikistan, a vu cette position basculer grâce à une augmentation des échanges de 30% entre janvier et mai 2025, avec un volume de 964 millions de dollars, soit environ 904 millions d’euros ; la part de Pékin dans le commerce extérieur du Tadjikistan atteint 24,8%, contre 23,2% pour la Russie. Ce franchissement du seuil symbolique marque un moment fondamental dans la relation entre Douchanbé et Pékin, redéfinissant la géopolitique économique de la région.
La Russie, encore très présente malgré son recul
Jusqu’à ce basculement, la Russie dominait la scène commerciale du Tadjikistan, avec des échanges avoisinant 900 millions de dollars (importations russes de 858 millions de dollars, exportations tadjikes de 42 millions de dollars) sur la période janvier‑mai 2025 . Sur la même période en 2024, Moscou conservait une avance confortable : de janvier à avril 2024, le commerce avec la Russie atteignait 636,8 millions de dollars, tandis que la Chine se situait à 548,7 millions (+19,7%) .
Une transformation marquée par l’investissement chinois
Au-delà du commerce, la Chine investit massivement au Tadjikistan. Depuis 2007, plus de 3,85 milliards de dollars (soit environ 3,6 milliards d’euros) ont été engagés, dont 70% sous forme d’investissements directs, notamment dans les secteurs minier, énergétique, infra‑structurel et industriel . Plus de 700 entreprises chinoises sont actives sur place en 2024, et des accords pour un montant de 600 millions de dollars ont été signés en juillet 2024. Ces investissements témoignent de l’ambition de Pékin de poser des jalons économiques durables au Tadjikistan.
Enjeux géopolitiques : entre offre chinoise et dépendance russe
Ce renversement n’est pas qu’économie : il s’inscrit dans une stratégie plus vaste. Xi Jinping effectue en juillet 2024 une visite d’État à Douchanbé, lors de laquelle la Chine accorde un prêt de 500 millions de dollars via la Banque asiatique d’investissement pour l’infrastructure (AIIB) pour la construction du barrage de Rogun . Pendant ce temps, Moscou demeure un allié militaire et sécuritaire important, avec des troupes stationnées au Tadjikistan. Toutefois, la baisse de la part du commerce russe suggère une subtile inflexion dans l’équilibre traditionnel entre les deux puissances.
Cette évolution présente des avantages évidents : diversification économique, essor industriel et injections financières importantes. Pourtant, des questions subsistent : l’ouverture à la Chine rapproche Douchanbé d’un géant asiatique, au risque d’accentuer une dépendance nouvelle. La croissance de 30% du commerce sino‑tadjik démontre une agilité dans la diplomatie économique du Tadjikistan, mais elle interroge aussi sur les contreparties politiques à venir.