Le Kazakhstan mise sur ses seniors pour relancer l’emploi
« Âge d'Argent »

Depuis le 1er janvier 2025, le Kazakhstan expérimente un tournant inédit en matière d’insertion professionnelle des seniors. Sous l’impulsion d’un dispositif ambitieux baptisé « Altyn jas », ce ne sont pas moins de 12.400 personnes âgées de plus de 50 ans qui ont été remises à l’emploi. Une opération à grande échelle, saluée par certains comme un modèle, tandis que d’autres y voient un palliatif social plus qu’une stratégie durable.

Relancer les seniors : un programme d’ampleur et d’obligation

Lancé début 2025, le projet « Altyn jas » cible les chômeurs de plus de 50 ans n’ayant pas encore atteint l’âge de la retraite. À la clef : une subvention salariale étatique couverte par le Centre de mobilité du travail. Objectif officiel ? Offrir 23.800 emplois avant la fin de l’année. À mi-parcours, 12.400 personnes ont déjà été intégrées, selon le ministère du Travail et de la Protection sociale.

Le fonctionnement est strict : les entreprises doivent garantir un poste durable d’au moins un an, voire jusqu’à la retraite pour les plus âgés. Pendant 36 mois maximum, l’État prend en charge une part décroissante du salaire : 70% la première année, 65% la deuxième, et 60% la troisième, avec un plafond fixé à 117.960 tenges (193 euros).

Altyn jas : Almaty invente le post-retraite productif

À l’échelle municipale, la ville d’Almaty s’est dotée de son propre outil d’action sociale : le programme « Altyn jas ». Déployé dès 2024 et prévu jusqu’en 2028, il s’adresse aux retraités officiels domiciliés à Almaty, avec des modalités spécifiques : cofinancement du salaire entre les employeurs et la municipalité, pour un montant public n’excédant pas un salaire minimum annuel (en 2024 : 85.000 tenges, soit environ 170 euros).

L’ambition affichée ? « Créer des opportunités d’engagement productif après la retraite, augmenter la part de la population active et valoriser les fonctions de mentorat », déclare Baurzhan Zhaubassov, directeur de l’emploi à Almaty. Un discours teinté de volontarisme, appuyé par l’engagement de plus de 200 entreprises locales, principalement dans les secteurs médical, éducatif, environnemental et industriel.

Un modèle local aux multiples ramifications sociales

La municipalité ne s’arrête pas là. Le programme s’accompagne d’une politique de soutien élargie : 15 centres de longévité active ont été mis en service dans la ville, avec l’objectif d’en ouvrir au moins deux par arrondissement. Ces structures offrent des services culturels, sportifs, psychologiques ou médicaux. Près de 500.000 prestations ont déjà été délivrées aux seniors, tout en soulignant la complexité de leurs besoins.

Derrière ces chiffres prometteurs, des questions fondamentales persistent néanmoins. Le financement est-il viable à long terme ? Et quel est le véritable impact sur l’économie réelle ? Dans la seule région d’Almaty, 1.118 seniors ont retrouvé un emploi via « Altyn jas » ; à l’échelle nationale, la majorité des postes concernent l’agriculture (36%), les services (23%) et la restauration (21%) – des secteurs précaires et peu évolutifs.

La structure des subventions, si elle encourage les embauches, pourrait également fausser le marché. Et après les 36 mois ? L’engagement d’embauche devient contraignant pour les entreprises… ou purement formel. Le programme ne prévoit pas de contrôle public fort sur les reconversions post-subvention.

Le Kazakhstan fait ici le pari d’une inclusion à rebours, en pariant sur le potentiel des seniors comme vecteurs de transmission, d’encadrement et de stabilité. Ce dispositif traduit une volonté politique claire : faire des années post-50 non pas un fardeau budgétaire, mais un levier d’action sociale et économique.

Par Païsiy Ukhanov
Le 07/14/2025

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