Le 11 juillet 2025, le parquet général du Kazakhstan a confirmé le lancement à Almaty d’un système de vidéosurveillance automatisée visant à surveiller les personnes placées sous liberté conditionnelle. L’initiative s’inscrit dans un projet-pilote qui pourrait bien remodeler la gestion de la probation à l’échelle nationale.
Vidéosurveillance : quand l’IA joue les agents de probation
Depuis plusieurs mois, les rues d’Almaty sont truffées de capteurs et de caméras dites « intelligentes ». Ces dispositifs ne se contentent pas de filmer : ils analysent, reconnaissent, suivent. Les condamnés soumis à des restrictions judiciaires — horaires de sortie, lieux interdits, périmètre de résidence — deviennent ainsi les cibles d’une veille numérique constante, sans qu’un seul agent humain n’ait à intervenir en temps réel.
Dans une interview accordée à l’agence Kazinform, le procureur adjoint Aset Chindaliev précise : « Certains condamnés commettent des infractions administratives ou pénales, ou enfreignent les restrictions imposées par le tribunal […] par exemple, il leur est interdit de quitter le quartier de résidence sans préavis, de quitter la maison après 22 heures ou de se rendre dans des établissements de divertissement ».
Un œil électronique plus fiable que l’humain ?
Le système, encore en phase pilote, a déjà détecté 50 violations des conditions de probation, preuve selon les autorités de son efficacité. Le procureur adjoint insiste : « Une cinquantaine de cas ont déjà été identifiés dans lesquels des personnes en probation ont enfreint leurs conditions – sorties nocturnes ou visites de lieux interdits ».
Ce projet s’inscrit dans une politique plus large de modernisation judiciaire, appuyée par l’État kazakhstanais depuis plusieurs années. Depuis 2015, le pays a investi dans des bracelets électroniques, des tablettes connectées pour les surveillants et même des algorithmes de prédiction du risque dans certaines régions. Mais ici, le saut qualitatif est clair : les caméras ne se contentent plus de surveiller, elles interprètent les comportements et déclenchent des alertes automatiques, souvent sans intervention humaine. Le « contrôle intelligent » devient le nouvel arbitre de la liberté conditionnelle.
Une ville intelligente… ou une prison à ciel ouvert ?
Almaty n’en est pas à son coup d’essai. En 2023, la ville fut l’un des deux sites pilotes pour une reconnaissance faciale par intelligence artificielle dans les lieux publics. Cette fois, la cible n’est plus le citoyen lambda, mais une population judiciaire, jugée plus « légitime » à être surveillée. Et pourtant, la dérive guette.
Car que se passera-t-il lorsque ce système sera étendu à d’autres régions, voire à d’autres segments de la population ? La ligne rouge entre contrôle judiciaire et surveillance de masse devient poreuse, glissante, presque invisible.
L’équipement de la ville répond pourtant à une logique bien rôdée : faire d’Almaty une smart city modèle pour toute l’Asie centrale. Des dispositifs similaires sont en cours de test à Astana, où l’espace urbain devient progressivement une interface de données plus qu’un lieu de vie.
Le consentement sous surveillance
Les autorités kazakhes défendent un usage proportionné de la technologie. L’objectif est de réduire la récidive, fluidifier le travail des agents de probation, et renforcer la sécurité publique. En d’autres termes : un compromis entre efficacité policière et dignité humaine. Le procureur Chindaliev résume cet équilibre en une formule prudente : « Nous ne sommes pas des bourreaux, mais des protecteurs ».
L’expérience d’Almaty annonce une nouvelle ère de la justice connectée. À l’heure où l’intelligence artificielle infiltre chaque rouage de nos sociétés, la vidéosurveillance se mue en gardienne invisible de l’ordre judiciaire. Une avancée ? Peut-être. Mais pour les condamnés kazakhstanais, chaque pas hors du droit chemin est désormais éclairé par l’œil froid d’un algorithme.