Le 11 juillet 2025, le président de la Banque nationale du Kazakhstan, Timur Suleimenov, a évoqué pour la première fois l’idée que le Fonds national et les réserves d’or et devises du pays puissent intégrer des cryptomonnaies dans leurs portefeuilles alternatifs. Une décision lourde de conséquences que le monde financier observe avec une curiosité mêlée d’inquiétude.
Quand le Kazakhstan regarde du côté des cryptoactifs
Ce n’est plus un fantasme de start-upers. C’est la Banque nationale, institution rigoureuse s’il en est, qui envisage d’allouer une fraction de ses réserves à des produits liés aux cryptoactifs. Pas de précipitation, insiste néanmoins Timur Suleimenov, le président de la Banque nationale du Kazakhstan. Il ne s’agit pas de convertir tout le fonds national en jetons numériques, mais d’envisager, prudemment, une diversification via des fonds ou des ETF (Exchange-Traded Funds) connectés à l’écosystème blockchain.
« Nous avons un portefeuille alternatif pour nos réserves en or et devises, ainsi qu’un autre pour le Fonds national. Ce sont des poches où l’on teste des stratégies plus agressives pour augmenter les rendements », a déclaré Timur Suleimenov lors de sa conférence de presse, précisant avoir étudié les approches de fonds souverains comme ceux de la Norvège ou des Émirats arabes unis.
L’audace encadrée d’une stratégie nationale
Le Kazakhstan ne saute pas dans l’inconnu les yeux fermés. L’objectif est de s’inspirer de modèles existants, où les cryptoactifs ne sont pas une lubie mais une ligne de portefeuille pensée, maîtrisée. La Norvège, via son Fonds de pensions national, a par exemple investi indirectement dans le bitcoin à travers des actions de sociétés comme MicroStrategy. D’autres pays, comme le Bhoutan ou le Salvador, ont tenté des aventures plus directes, parfois à leurs risques et périls.
C’est justement cette volatilité extrême qui freine l’enthousiasme : « Ces actifs peuvent offrir de hauts rendements, mais ils sont aussi très instables. Il ne faut surtout pas se précipiter », a insisté le gouverneur.
Un crypto-réserve d’État pour gérer les saisies et le minage
Au-delà de l’investissement stratégique, le Kazakhstan veut structurer une réserve publique de cryptoactifs. Un entrepôt numérique national, si l’on veut, destiné à héberger les jetons saisis par les autorités dans le cadre de procédures judiciaires. Une nouvelle infrastructure devrait être créée à cet effet.
Mieux encore, Timur Suleimenov évoque l’hypothèse de confier à des entreprises publiques des opérations de minage — ces calculs informatiques qui génèrent de nouvelles unités de cryptomonnaie — dont une part des gains pourrait être reversée à l’État sous forme de taxes… ou d’actifs numériques directement intégrés à la crypto-réserve.
Le risque ? Immense. La tentation ? Tout autant
Derrière l’ingénierie financière, un vieux débat : faut-il vraiment exposer des fonds publics à des actifs aussi capricieux ? Qui se souvient encore du krach de 2018, quand le bitcoin a chuté de 80% après avoir touché les 20.000 dollars ? Ou de la purge de 2022, où le marché a perdu plus de 1.000 milliards d’euros de valorisation en quelques mois ? Investir dans les cryptoactifs, c’est comme miser sur une pièce en feu dans une pièce sans extincteur. Le rendement potentiel est alléchant, mais la ligne de crête est étroite.
Et pourtant, l’argument de la diversification tient : face aux fragilités du dollar, à la montée des tensions géopolitiques, et à la digitalisation des échanges, s’accrocher aux seuls marchés traditionnels serait peut-être tout aussi risqué. Ne rien faire, dans ce monde mouvant, est un pari en soi.
Un cadre réglementaire en mutation
Le Kazakhstan ne se contente pas de penser l’investissement. Il rebat aussi les cartes de la régulation. Le pays entend désormais criminaliser les transactions sur le « marché gris » des cryptomonnaies – c’est-à-dire celles opérées en dehors des plateformes enregistrées au Centre financier international d’Astana (AIFC). Un projet de loi est en cours, accompagné d’un encadrement strict de la publicité sur les actifs numériques. Objectif : ne pas répliquer les erreurs de 2021, où une ruée vers le minage avait provoqué des pénuries d’énergie et une flambée des activités illicites.
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