Le 25 juin 2025, le Sénat ouzbek a approuvé une réforme majeure de son code des douanes, abolissant le système de double taxation à l’importation pour certains produits. Cette décision s’inscrit dans le cadre du processus d’adhésion de l’Ouzbékistan à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), amorcé depuis 1994 mais accéléré ces dernières années. Cette annonce marque une étape stratégique dans l’alignement du droit ouzbek sur les normes internationales.
Une réforme tarifaire ciblée mais symbolique
Le cœur de la réforme concerne la suppression d’un mécanisme pénalisant : la double imposition douanière pour les marchandises importées sans certificat d’origine, en provenance de pays n’ayant pas conclu d’accord de « traitement de la nation la plus favorisée » (NPF). Concrètement, les produits concernés échappent désormais à une sur-tarification appliquée jusqu’ici de manière automatique.
Kobul Tursunov, vice-président de la commission sénatoriale du budget et des affaires économiques, a précisé que cette réforme inscrit dans le droit national la définition du régime NPF. Ainsi, « les droits de douane aux taux approuvés sont appliqués aux marchandises produites dans des pays bénéficiant du régime NPF, indépendamment du pays expéditeur ou de l’exportateur ». Ce changement permet de mieux distinguer l’origine réelle des produits et d’éviter qu’un produit fabriqué dans un pays NPF, mais expédié via un pays tiers non reconnu, ne soit injustement surtaxé.
Un ajustement technique à fort impact économique
Bien que technique, la réforme pourrait remodeler en profondeur certaines pratiques commerciales. Jusqu’à présent, les produits d’origine indéterminée ou provenant de pays non partenaires étaient frappés d’une majoration tarifaire progressive :
– 5% pour une taxe initiale inférieure à 10%,
– 10% pour une taxe entre 10% et 20%,
– 15% entre 20% et 30%,
– 20% au-delà.
Ces hausses rendaient certains flux importés moins compétitifs, en particulier pour les entreprises ouzbèkes s’approvisionnant en équipements, en matières premières ou en composants sur des marchés émergents hors des grands accords commerciaux. Désormais, l’administration douanière appliquera une grille plus claire et conforme aux standards de l’OMC, réduisant ainsi l’incertitude réglementaire.
Un geste vers l’OMC, mais aussi vers les investisseurs
Cette réforme, bien qu’appliquée à une « zone grise » représentant seulement 6,3% des importations totales (selon Gazeta.uz), envoie un signal fort. Elle manifeste l’intention du gouvernement ouzbek de poursuivre l’harmonisation de son cadre législatif commercial avec les règles de l’OMC, dont l’adhésion reste en cours depuis plus de trente ans. Le dixième groupe de travail sur cette accession s’est réuni en juin 2025.
Selon les données officielles de l’OMC, 61,4% des importations ouzbèkes proviennent de pays sous régime NPF, et 32,3% d’Etats membres de zones de libre-échange. Cela signifie que la quasi-totalité des flux sont désormais traités dans des conditions tarifaires unifiées, ce qui renforce la transparence et la prévisibilité.
Pour les investisseurs étrangers, notamment ceux qui envisagent des délocalisations partielles ou des implantations industrielles, cette stabilité douanière est un atout. Elle contribue à améliorer l’image de l’Ouzbékistan comme marché accessible, lisible, et de plus en plus intégré aux circuits mondiaux.
Un impact encore limité sur le volume des échanges
À court terme, cette réforme ne devrait pas bouleverser l’équilibre des échanges. En 2024, les importations ouzbèkes s’élevaient à 17,25 milliards de dollars américains, avec une moyenne tarifaire pondérée de 4,7% (WTO Tariff & Trade Data, 2025). La réforme ne modifie pas directement cette moyenne, mais réduit les cas d’exception et les traitements différenciés non justifiés économiquement.
Certains analystes notent toutefois qu’elle pourrait favoriser indirectement l’importation de biens intermédiaires depuis des zones mal desservies par les accords préférentiels actuels. Des secteurs comme la construction mécanique, l’agro-industrie ou la pharmacie pourraient en tirer parti.
L’OMC en ligne de mire, mais pas encore au bout du chemin
La suppression des doubles droits de douane n’est qu’une pièce du vaste chantier d’harmonisation entrepris par l’Ouzbékistan. Mais elle est emblématique : elle matérialise une volonté politique d’ouverture, de conformité aux règles multilatérales, et de sécurisation juridique pour les acteurs économiques.
Tant que l’adhésion formelle à l’OMC ne sera pas conclue, ces ajustements restent des signaux. Mais ils s’additionnent. Et dans un environnement où les flux d’investissement se déplacent au gré de la clarté réglementaire, ce type de réforme peut faire la différence.