Depuis deux décennies, la Banque asiatique de développement (BAD) a injecté plus de 7 milliards de dollars américains – soit environ 6,5 milliards d’euros – dans l’économie du Kazakhstan. Cette annonce, faite lors d’une rencontre à Astana, inscrit durablement l’ancienne république soviétique dans les radars géo-économiques de l’Asie centrale. À l’heure où les flux d’investissements se raréfient, cette confiance affirmée soulève une question : pourquoi la BAD mise-t-elle si lourdement sur le Kazakhstan ?
Le Kazakhstan au cœur des ambitions de la Banque asiatique de développement
Loin d’un simple alignement diplomatique, la relation entre la banque et le Kazakhstan s’ancre dans une vision long terme, fondée sur des projets concrets, multisectoriels. Au total, 31 initiatives ont déjà été concrétisées, tandis que 9 nouvelles opérations sont prévues.
La BAD ne cache pas ses ambitions. Elle détient encore plus d’un milliard de dollars de programmes actifs au sein du pays. Parmi eux, deux axes prioritaires :
– la reconstruction des routes Aktobe–Kandyagach et Kyzylorda–Zhezkazgan, essentielles pour désenclaver les corridors régionaux ;
– la modernisation de la centrale thermique TÉC-2 à Almaty, maillon stratégique du mix énergétique national.
Le Premier ministre du Kazakhstan, Olzhas Bektenov, a personnellement reçu le vice-président de la BAD, Bhargav Dasgupta, pour tracer les lignes d’un partenariat élargi. Objectif : inscrire ces projets dans une logique de transition verte, mais aussi de résilience économique post-pandémie.
Une banque régionale au service de la transition verte au Kazakhstan
Si la BAD, fondée en 1966, reste fidèle à son mandat de soutien au développement, elle oriente désormais ses efforts vers des financements climatiques. Une évolution notable. En janvier 2025, elle a émis pour la première fois à la Bourse KASE d’Almaty des obligations vertes d’un montant de 7,64 milliards de tenges (environ 15 millions d’euros).
Cette opération symbolise un tournant : la banque veut faire du Kazakhstan un pilote régional de la décarbonation, en mobilisant le secteur privé autour de projets bancables. Le portefeuille kazakhstanais de la BAD reflète cette mutation, en privilégiant les segments liés à :
- l’énergie propre,
- l’infrastructure durable,
- l’agriculture intelligente face au climat,
- les services sociaux numérisés.
Les projets soutenus répondent à un double impératif : croissance économique et soutenabilité environnementale. Cette déclaration structure désormais la stratégie d’investissement à venir.
Une coopération multisectorielle en voie d’institutionnalisation
L’approche de la BAD ne s’arrête pas aux seuls projets bilatéraux. En dialoguant étroitement avec le gouvernement kazakh, elle ambitionne de formaliser un partenariat stratégique sur six axes :
– infrastructures physiques,
– agriculture climato-résiliente,
– digitalisation des services publics,
– modernisation du secteur de la santé,
– réformes éducatives,
– préparation aux catastrophes naturelles.
Ce cadre de coopération, encore en négociation, viserait à stabiliser les financements sur dix ans, avec une attention accrue aux zones rurales.
Une puissance d’influence économique à l’œuvre
Pourquoi le Kazakhstan ? Parce qu’il représente une plateforme régionale, à la croisée des flux logistiques eurasiatiques. Le soutien de la BAD n’est donc pas pure philanthropie. Il s’agit d’un investissement stratégique, calculé, visant à consolider les chaînes d’approvisionnement et à renforcer la connectivité entre la Chine, l’Asie centrale et l’Union européenne.
À ce titre, la BAD agit à la fois comme acteur financier et instrument géopolitique. Ce rôle affirmé est perceptible dans les déclarations de ses dirigeants et les contours de ses projets récents.