Traçabilité de l’alcool : le Kazakhstan prolonge l’expérimentation jusqu’à fin 2025
marquage de l'alcool au Kazakhstan

Le 13 mai 2024, le ministère des Finances du Kazakhstan a acté par décret la prolongation jusqu’au 31 décembre 2025 du projet pilote de marquage et de traçabilité de l’alcool. Porté par la plateforme QazTrack et le système AlcoTrack, ce dispositif numérique entend poser un sceau fiscal sur chaque bouteille circulant dans le pays – ou presque. Derrière l’apparente technicité de la réforme, c’est tout un marché qui vacille entre ambitions légitimes et interrogations non élucidées.

Le marquage de l’alcool, outil de contrôle ou filet à mauvaises prises ?

La traçabilité de l’alcool au Kazakhstan n’a rien d’un gadget technocratique. Elle s’inscrit dans une volonté affirmée de lutter contre les fraudes et de renforcer la transparence sur l’origine des produits éthyliques. À travers une plateforme nationale baptisée QazTrack, chaque lot d’alcool est désormais enregistré et suivi jusqu’au point de vente.

Le projet, initialement prévu du 10 mai 2024 au 30 avril 2025, est officiellement prolongé jusqu’au 31 décembre 2025. En ligne de mire : le commerce illégal, que les autorités kazakhes estiment encore largement répandu, malgré une hausse des prix due à l’augmentation des accises. Le marquage permettrait donc à l’État de rétablir un monopole de confiance, en déléguant la fabrication des étiquettes de sécurité au Bureau de la Fabrique de billets de la Banque nationale.

Qaztrack, QR codes et contraintes techniques

Mais comment fonctionne concrètement ce traçage ? L’étiquette imposée, appelée UKM (marque de contrôle), est générée par la plateforme AlcoTrack et apposée directement sur les produits. Cette obligation concerne tous les alcools sauf deux : le vin en vrac et la bière, explicitement exemptés. Une décision qui laisse perplexes certains distributeurs.
Les règles sont précises. L’apposition varie selon l’acteur :

– producteurs : étiquette posée sur le lieu de fabrication ;
– importateurs : marquage effectué à l’étranger avant l’entrée sur le territoire ;
– liquidateurs judiciaires : marquage en entrepôt, pour les stocks saisis.

En cas d’oubli, l’addition peut s’avérer salée : l’obtention des UKM est conditionnée à l’absence de dettes fiscales et sociales. Et pour les importateurs, le délai d’attente peut atteindre 60 jours, contre 3 pour les producteurs locaux.

Côté réglementation, un détail technique a récemment été ajusté. Depuis le 14 novembre 2023, les canettes de boissons à faible teneur en alcool (<12 %) n’ont plus l’obligation de coller la bande de marquage sur le couvercle – trop facilement falsifiable. Désormais, la bande doit être fixée sur le flanc métallique pour rester lisible par scan.

Transparence ou usine à gaz numérique ?

Si les objectifs sont affichés avec une grande clarté, les conséquences pratiques du dispositif soulèvent de nombreuses critiques du côté des opérateurs économiques. Le système est certes volontaire pour le moment, mais l’universalité semble inévitable à court terme. De nombreux professionnels redoutent une complexification excessive des procédures douanières, surtout pour les petites structures locales.

Sur le plan juridique, le prolongement du projet a fait l’objet d’une consultation publique lancée en juin 2025 sur le portail national des actes normatifs. Une façon pour l’administration de se prémunir contre toute accusation d’opacité, même si le texte du projet de décret n’a pas été accompagné d’une étude d’impact économique détaillée.

Un contexte tendu : production locale vs importations en hausse

Le timing de la réforme n’est pas anodin. Alors que les droits d’accise ont été augmentés ces derniers mois, les importations d’alcool ont paradoxalement progressé. Une situation que le ministère des Finances tente de réguler en renforçant la production nationale. Le projet de marquage s’inscrit ainsi dans une stratégie industrielle plus large, mêlant protectionnisme économique et traçabilité numérique.

Les autorités affirment qu’« une croissance de la production locale a été observée malgré la hausse des importations », sans toutefois fournir de chiffres consolidés. Cette affirmation laisse planer une incertitude sur l’impact réel de la politique de traçabilité sur les volumes de production ou de consommation.

Par Rodion Zolkin
Le 06/23/2025

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