Le 17 juin 2025, à Astana, lors du deuxième sommet « Asie centrale – Chine », le président du Kazakhstan, Kassym-Jomart Tokaïev, a proposé que l’année 2026 soit officiellement déclarée « Année de la science et de l’enseignement ». Ce choix, hautement stratégique, s’inscrit dans la lignée des réformes engagées depuis 2022 dans l’enseignement et la recherche. Et, surtout, il vient immédiatement après l’année 2025, consacrée aux professions ouvrières, censée réhabiliter l’image des métiers manuels.
L’Année de la science et de l’enseignement comme moteur de prestige régional
« Je propose de déclarer 2026 comme l’année de l’enseignement et de la recherche scientifique. Cela donnera un nouvel élan aux échanges humanitaires entre nos pays », a lancé le président du Kazakhstan, Kassym-Jomart Tokaïev, lors du deuxième sommet « Asie centrale – Chine ». Pour justifier cette initiative, le chef de l’État kazakhstanais évoque une nécessité : « Le chemin vers un avenir technologique commun exige un personnel qualifié, donc un renforcement du capital humain ». En clair : l’innovation est devenue l’obsession présidentielle. Mais elle reste à construire.
Ce discours marque un glissement net : du marteau à la molécule, des ouvriers aux chercheurs. Si 2025 est bien « L’Année des professions ouvrières », comme l’ont martelé les campagnes officielles ces derniers mois, 2026 ambitionne d’être celle de la tête, plus que de la main.
L’Année de la science et de l’enseignement comme outil de rayonnement du Kazakhstan en Asie centrale
Impossible de comprendre ce tournant sans évoquer la Chine. Le même jour, devant les délégations réunies à Astana, Tokaïev a annoncé : « Le Kazakhstan crée des infrastructures éducatives, ouvre de nouveaux technoparcs… Nous comptons lancer des laboratoires conjoints de recherche et des académies d’ingénieurs, en nous appuyant sur l’expérience des grandes entreprises technologiques chinoises ».
Ce n’est pas une simple déclaration d’intention. Depuis 2023, Almaty et Shanghai sont villes jumelles. Les régions de Turkestan et d’Almaty ont signé des accords avec le Hubei et le Shanxi. L’éducation devient un levier diplomatique, un cheval de Troie soft power pour s’ancrer dans le réseau eurasiatique piloté par Pékin. Et le président kazakhstanais d’ajouter un chiffre qui donne le vertige : en Asie centrale, 20% des réserves mondiales d’uranium, 17% de pétrole et 7% de gaz naturel. Autant dire que former les futurs ingénieurs en coopération avec la Chine n’est pas une coquetterie académique, mais une stratégie d’État.
De la parole aux crédits : le Kazakhstan injecte des milliards pour donner du sens à l’Année de la science et de l’enseignement
Sur le papier, l’intention est louable. Mais sans financement massif, elle resterait une incantation. Or, depuis 2022, le gouvernement du Kazakhstan a triplé les investissements dans la recherche scientifique. En avril 2025, lors d’un forum à Almaty, Kassym-Jomart Tokaïev a rappelé que l’État soutient des domaines clés : nucléaire, hydrogène, dessalement, intelligence artificielle. Les chercheurs titulaires de doctorats perçoivent désormais une prime mensuelle pouvant aller jusqu’à 184.600 tenges, soit environ 385 euros. Et les jeunes chercheurs (moins de 40 ans) bénéficient de bourses dédiées via un fonds national de soutien scientifique.
Côté éducation, les chiffres parlent : plus de 2.500 milliards de tenges (soit plus de 5 milliards d’euros) ont été engagés pour construire des écoles et absorber la croissance démographique attendue d’ici 2026. Le slogan de l’« année de la science et de l’enseignement » ne s’écrit donc pas à l’encre bleue des discours, mais à celle — bien plus rare — des décrets budgétaires.
L’Année des professions ouvrières en 2025 : un prélude oublié ou une réelle base pour 2026 ?
On serait tenté de croire que la « science » vient effacer les « professions ouvrières ». Ce serait un raccourci. L’année 2025, consacrée aux métiers techniques et à leur revalorisation, a ouvert le bal d’un rééquilibrage social : rehaussement des salaires, développement des lycées techniques, révision des formations manuelles. Elle aura permis, selon les autorités, de réduire l’écart entre métiers intellectuels et physiques.