Le 14 juin 2025, le gouvernement du Kazakhstan a tranché : Rosatom, le géant russe du nucléaire civil, dirigera le consortium international chargé de construire la toute première centrale nucléaire du pays.
Rosatom, un choix mûrement pesé pour la centrale nucléaire
Le site retenu – Ülken, dans la région d’Almaty, au bord du lac Balkhash – accueillera deux réacteurs de technologie VVER-1200, soit une puissance installée de 2,4 GW à l’horizon 2035. Une capacité qui pourrait couvrir jusqu’à 20% des besoins nationaux selon les prévisions gouvernementales.
La désignation de Rosatom n’a pas été improvisée. Le ministère de l’Énergie du Kazakhstan a souligné que le consortium russe avait été sélectionné sur la base de critères stricts : robustesse technologique, rentabilité, capacités logistiques et options de localisation industrielle. L’Agence kazakhstanaise pour l’énergie atomique a affirmé dans un communiqué : « Le choix de Rosatom repose sur une évaluation complète de sa technologie, de ses références internationales, de sa capacité à fournir une formation et à assurer une localisation progressive des équipements ». Le ministre de l’Énergie, Almasadam Satkaliyev, a précisé : « Rosatom ne figure sur aucune liste de sanctions internationales, et toutes les garanties de conformité sont en place ».
Les réacteurs VVER-1200 sont aujourd’hui déployés en Turquie, en Hongrie et au Bangladesh. Ils répondent aux standards de sécurité post-Fukushima et bénéficient de financements publics russes. Autant d’arguments qui ont pesé lourd face à la concurrence chinoise (CNNC), coréenne (KHNP) et française (EDF).
Une centrale nucléaire kazakhstanaise sous haute surveillance
Si le constructeur est russe, l’exploitation de la centrale sera entièrement kazakhstanaise. Le pays entend garder la main sur l’infrastructure, le personnel et le combustible. Le contrôle du chantier sera assuré par l’Agence nationale pour l’énergie atomique, en lien avec le ministère des Situations d’urgence. « Nous avons mis en place un système de surveillance indépendant, avec inspections périodiques, caméras connectées et rapports publics », a assuré l’Agence nationale pour l’énergie atomique.
Côté combustible, l’Ulba Metallurgical Plant, situé à Oust-Kamenogorsk, pourrait produire les pastilles d’uranium enrichi destinées aux assemblages VVER-1200. « Le Kazakhstan est prêt à assurer des étapes clés du cycle du combustible sur son sol », fait encore savoir l’Agence nationale pour l’énergie atomique.
En matière de sécurité, le chantier bénéficiera aussi d’une assistance technique de l’AIEA, l’Agence internationale de l’énergie atomique.
Un rôle croissant pour la Chine dans le nucléaire kazakhstanais
Si Rosatom pilote la première centrale nucléaire, la Chine ne reste pas en retrait. Lors du sommet Asie centrale–Chine du 16 juin 2025, un accord de coopération nucléaire a été signé entre le Kazakhstan et la China National Nuclear Corporation. Ce partenariat prévoit le développement d’une deuxième centrale, dont la décision finale sera rendue à l’automne 2025. L’objectif : répartir les partenariats stratégiques pour ménager Moscou comme Pékin. Le président du Kazakhstan, Kassym-Jomart Tokaïev, a qualifié la coopération avec la Chine de « stratégique, équilibrée et tournée vers l’avenir ».
Le Kazakhstan a vraiment besoin d’une centrale nucléaire pour couvrir son déficit énergétique
La trajectoire nucléaire du Kazakhstan ne s’est pas décidée sans consultation. Un référendum national, tenu le 6 octobre 2024, avait validé la construction d’une centrale à 71%. Ce vote populaire visait à légitimer une orientation énergétique controversée dans un pays encore marqué par les essais nucléaires soviétiques à Semipalatinsk.
Mais le contexte a changé. Le Kazakhstan est aujourd’hui le premier producteur mondial d’uranium, et dépend fortement des importations d’électricité (jusqu’à 15% en hiver). Une centrale nucléaire apparaît comme une réponse pragmatique au double défi de la transition bas carbone et de la souveraineté énergétique.
Le gouvernement affirme que la production nucléaire remplacera les centrales à charbon vieillissantes et garantira une stabilité du réseau face à l’essor des cryptomonnaies et à la croissance industrielle.
Une stratégie énergétique sous haute tension… maîtrisée
Le Kazakhstan avance donc sur une ligne de crête. En choisissant Rosatom pour la première centrale, CNNC pour la suivante, et en conservant le contrôle national des opérations, il tente de naviguer entre puissance d’ingénierie étrangère et souveraineté énergétique nationale. Le vice-Premier ministre Roman Sklyar résumait ainsi la ligne gouvernementale : « Il n’est pas question de dépendance. Il est question d’apprentissage, de transfert technologique et de maîtrise progressive ».
Le chantier d’Ülken devrait démarrer dès 2026, pour une mise en service estimée à 2032. Un compte à rebours stratégique s’enclenche.