Le 13 juin 2025, à l’issue d’une rencontre bilatérale à Astana, les États-Unis ont réaffirmé leur volonté d’intensifier leurs efforts dans l’exploration et la coopération autour des minéraux critiques au Kazakhstan. Cette démarche, inscrite dans une logique de sécurisation des chaînes d’approvisionnement technologiques, s’inscrit dans le prolongement du dialogue C5+1, lancé entre Washington et les cinq pays d’Asie centrale.
Washington veut sécuriser son approvisionnement en minéraux critiques depuis le Kazakhstan
Depuis plusieurs années, les États-Unis cherchent à diversifier leur approvisionnement en ressources stratégiques, notamment les terres rares, le lithium, le titane ou le cobalt. Or, le Kazakhstan, avec ses réserves estimées à plus de 20 millions de tonnes de minerais contenant des oxydes exploitables, apparaît comme un partenaire de premier plan.
Le Département d’État américain a confirmé cette orientation par communiqué : « Les États-Unis ont l’intention de continuer à travailler avec le Kazakhstan pour élargir la coopération en matière de sécurité et explorer des opportunités commerciales mutuellement bénéfiques, en particulier dans les secteurs de la technologie et des minéraux critiques ».
À l’instar du partenariat énergétique engagé dans les années 2000, le pays d’Asie centrale offre aujourd’hui une plateforme d’accès aux métaux rares indispensables à la transition énergétique.
Terres rares : un atout kazakhstanais convoité par plusieurs puissances
Le Kazakhstan produit déjà 20 des 50 minéraux critiques identifiés par les États-Unis. Sa domination dans le secteur de l’uranium, avec 40% de la production mondiale, en fait un acteur incontournable. Des projets d’exploration visent aujourd’hui à extraire 380.000 tonnes de terres rares dans la région de Kostanaï, selon les données de Cove Capital, une entreprise américaine associée à Kazgeologiya.
D’après Daniel Rosenblum, ambassadeur américain à Astana, des investissements concrets sont attendus d’ici la fin de l’année. En février 2025, le ministre kazakhstanais de l’Industrie, Kanat Sharlapaev, annonçait : « Des sociétés américaines, européennes et chinoises pourront obtenir des droits d’exploitation lors des enchères nationales sur les gisements de terres rares ».
Ce positionnement stratégique aiguise les appétits. En mars 2025, l’Union européenne avait signé un accord bilatéral avec le Kazakhstan pour l’approvisionnement en minéraux critiques, lors de la visite du commissaire européen Jozef Sikela.
Rivalités et investissements : le jeu diplomatique s’accélère
Le regain d’intérêt américain pour l’Asie centrale s’explique par la nécessité de réduire sa dépendance à la Chine, qui assure 80% de la production mondiale de terres rares. Dans la Déclaration conjointe États-Unis à l’issue du sommet États-Unis-C5 le 19 septembre 2023, le président américain de l’époque, Joe Biden, déclarait : « Les minéraux critiques sont essentiels pour soutenir la sécurité énergétique en Asie centrale et améliorer le potentiel de développement de la région ». La récente offre d’acquisition de 5 milliards de dollars déposée par un consortium américain pour racheter 40 % du groupe Eurasian Resources Group (ERG), acteur clé dans l’extraction minière kazakhstanaise, illustre l’intensification de la compétition économique.
Mais cette stratégie ne repose pas uniquement sur les matières premières. Elle s’appuie sur le développement d’infrastructures logistiques, comme le corridor transcaspien, destiné à acheminer les matériaux extraits vers les marchés européens via la mer Caspienne et le Caucase.
Le Kazakhstan, futur carrefour des métaux stratégiques ?
Les ambitions du Kazakhstan ne s’arrêtent pas à l’extraction. Le pays entend maîtriser toute la chaîne de valeur, de la prospection au raffinage, avec une réglementation attractive pour les entreprises étrangères. La stabilisation juridique et fiscale souhaitée par les autorités constitue un levier pour attirer les investissements de long terme.
Murat Nurtleu a insisté sur ce point : « Le Kazakhstan joue un rôle stratégique dans la stabilité des chaînes d’approvisionnement en énergie et en minéraux critiques ». Par ailleurs, des projets de transformation locale sont à l’étude pour assurer une plus grande autonomie technologique, notamment dans le traitement du lithium et du scandium.
Le rapprochement entre les États-Unis et le Kazakhstan autour des minéraux critiques dépasse le simple enjeu économique. Il redessine les équilibres géostratégiques régionaux, tout en repositionnant l’Asie centrale comme un acteur-clé de la transition énergétique mondiale. Entre diplomatie minérale, concurrence technologique et investissement industriel, le Kazakhstan devient le terrain d’un affrontement feutré mais décisif pour le XXIe siècle.