Fonds national du Kazakhstan : 13 millions de dollars distribués à ce jour
Fonds National

Depuis le 1er janvier 2024, le Kazakhstan a enclenché un mécanisme inédit : redistribuer une partie des richesses pétrolières à sa jeunesse par le biais du Fonds national du Kazakhstan. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’État ne fait pas les choses à moitié. À ce jour, plus de 13,34 millions de dollars – soit environ 12,45 millions d’euros – ont été versés directement à des enfants devenus majeurs. Un choc de redistribution dans un pays où la rente pétrolière a longtemps été monopolisée par les élites.

Le Fonds national du Kazakhstan : un trésor au service des enfants

C’est le 1er janvier 2024 que l’initiative a été mise en branle. Dans le cadre du programme « Fonds national pour les enfants », chaque citoyen né à partir de 2006 bénéficie d’un compte individuel alimenté chaque année par 50% des revenus d’investissement du Fonds national du Kazakhstan. Pas un tenge de capital n’est touché. Seuls les rendements sont redistribués, assurant ainsi la pérennité du dispositif.

Ce fonds d’investissement, supervisé par la Banque nationale et géré via le Fonds de pension, assure une traçabilité totale : les sommes restent gelées jusqu’à la majorité du bénéficiaire et ne peuvent être utilisées que pour deux domaines : logement et éducation. Impossible d’aller s’offrir un iPhone ou de s’envoler à Bali. La manne pétrolière doit servir à bâtir un avenir.

L’heure du versement : des enfants enfin rétribués

À la date du 1er juin 2025, ce sont exactement 108.694 demandes qui ont été traitées, représentant 13,34 millions de dollars transférés. Selon les chiffres détaillés fournis par Inform.kz le 6 juin 2025, 64.325 bénéficiaires ont utilisé leur solde pour l’habitat, tandis que 44.369 l’ont consacré à l’éducation.

Dans le détail, les dépenses autorisées comprennent des remboursements hypothécaires, des apports personnels pour des prêts immobiliers, ou encore le paiement de frais universitaires dans des établissements nationaux et internationaux. Une sélection stricte, mais qui reflète la vision présidentielle : un capital de départ socialement utile. Et pour cause : les fonds sont destinés uniquement à l’investissement dans l’éducation et le logement, afin de prévenir la dépendance sociale tout en soutenant le développement personnel des jeunes.

Un impact mesuré, un symbole colossal

Le montant versé peut sembler modeste : 100,52 dollars en 2023, 129,38 dollars en 2024. Mais l’enjeu n’est pas là. Chaque année de vie post-2006 ajoute une ligne de crédit au compte personnel de l’enfant. En théorie, un enfant né en 2006 pourra cumuler près de 2 000 dollars d’ici 2025. Ces sommes, placées à travers les années, deviennent un véritable levier d’émancipation, s’ils sont judicieusement utilisés.

Le programme s’appuie sur un modèle inspiré des pays pétroliers du Golfe, mais en y ajoutant un filtre social clair. Contrairement aux « chèques énergie » à la française ou aux remboursements canadiens, le Kazakhstan crée ici une structure de capital social intergénérationnelle. Comme l’indique le portail officiel kids.enpf.kz, l’épargne est investie et indexée sur les rendements moyens des 18 dernières années, garantissant une stabilité à long terme.

Une ambition plus politique qu’économique ?

Lancé sous la présidence de Kassym-Jomart Tokaïev, ce mécanisme incarne surtout une promesse politique. Celle d’un « Kazakhstan Juste », expression désormais répétée comme un mantra dans les discours officiels. Kassym-Jomart Tokaïev lui-même, dès son élection en mars 2019, avait affiché sa volonté de corriger les déséquilibres sociaux. Mais les sceptiques ne manqueront pas de souligner la modestie de la somme en jeu.

Certains économistes kazakhstanais, à l’instar d’Arman Toktushakov de l’Institut d’économie mondiale, soulignent néanmoins que ce fonds constitue une redistribution symbolique aux effets pratiques réels. « Il s’agit d’un outil d’éducation budgétaire et de projection sociale, pas d’un revenu universel », rappelle-t-il dans un commentaire repris par le site Kapital.kz en avril 2024.

Des chiffres solides, une politique en test

À ce jour, 6,9 millions d’enfants sont inscrits au programme. Plus de 300.000 sont déjà majeurs ou en passe de le devenir. Le système prévoit une reconversion automatique des montants non utilisés en droits de pension, dix ans après la majorité, si aucun usage n’a été déclaré. Cette logique évite les effets d’aubaine tout en conservant l’esprit du programme : inciter à la responsabilité.

Le Kazakhstan, en redéfinissant les usages de son Fonds national, inaugure une réflexion internationale sur la fonction sociale des fonds souverains. Il ne s’agit plus seulement de sécuriser les générations futures par des actifs, mais de les équiper concrètement pour affronter l’avenir. Et ça, même pour une somme modique, c’est une petite révolution.

Par Rodion Zolkin
Le 06/12/2025

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