Le rail kazakhstanais vient-il de prendre un virage vert ? Un convoi inédit est entré en gare d’Almaty et pourrait bien changer les règles du jeu dans toute la région. Encore faut-il que les promesses tiennent la distance.
Le 11 juin 2025, les Chemins de fer du Kazakhstan ont officiellement accueilli à Almaty les premières locomotives hybrides livrées par le constructeur chinois CRRC Ziyang. Cette série, nommée CKD6H, marque une avancée stratégique dans la modernisation du parc ferroviaire kazakhstanais, tout en affichant des ambitions environnementales affirmées. Derrière cette acquisition, c’est toute une doctrine industrielle et diplomatique sino-kazakh qui se profile sur les rails.
Locomotives hybrides : un bond technologique pour les Chemins de fer du Kazakhstan
L’événement n’est pas passé inaperçu. Pour la première fois dans l’espace post-soviétique, une compagnie nationale réceptionne une série de locomotives hybrides destinées aux opérations de manœuvre. Ce n’est pas un hasard si ce prototype — développé, produit et testé en seulement quatorze mois — a été confié aux Chemins de fer du Kazakhstan, principal opérateur ferroviaire d’Asie centrale.
Ces locomotives hybrides CKD6H reposent sur une plateforme « nouvelle énergie » spécialement élaborée par CRRC Ziyang. Le système de propulsion associe un moteur diesel conforme aux normes d’émission Stage IIIA à une batterie lithium-fer-phosphate (LiFePO₄) de grande capacité, pour une puissance combinée atteignant 540 kW pour le moteur thermique et au moins 900 kWh pour le module électrique. Le modèle est également doté d’un système intelligent de gestion de l’énergie, optimisé pour les environnements industriels.
Les Chemins de fer du Kazakhstan ne cachent pas leur ambition : ces nouveaux engins devraient remplacer progressivement les unités obsolètes au sein de son parc de locomotives de manœuvre, trop énergivores et peu compatibles avec les engagements environnementaux pris dans le cadre de ses coopérations internationales.
Locomotives hybrides : adaptabilité extrême –50 °C
Il ne suffit pas d’avoir une motorisation verte pour rouler en Asie centrale. Il faut survivre aux hivers. Et c’est précisément ce que promet CRRC Ziyang : ses CKD6H sont conçues pour résister à des températures de fonctionnement allant jusqu’à –50 °C, une exigence indispensable pour les zones logistiques situées au nord et à l’est du Kazakhstan.
En plus de leur robustesse thermique, ces locomotives peuvent être rechargées soit par le moteur diesel embarqué, soit par des stations de recharge externes — un double mode qui augmente leur autonomie et leur résilience opérationnelle. Cette modularité les rend viables dans les terminaux isolés où les infrastructures électriques sont encore lacunaires.
Ce premier modèle livré sera suivi, selon l’accord signé en 2023, de 62 unités supplémentaires d’ici fin 2025, puis de 38 autres en 2026, dans le cadre d’un plan d’acquisition de 200 locomotives, dont 100 de manœuvre hybrides et 100 locomotives principales. La valeur totale de ce contrat s’élève à 1,3 milliard de dollars, soit environ 1,2 milliard d’euros, avec une enveloppe d’investissement de 200 millions de dollars dédiée à la modernisation des infrastructures locales.
Locomotives hybrides : bilan écologique et économique
Les chiffres avancés par le fabricant et validés par les tests initiaux sont pour le moins prometteurs. Ces locomotives hybrides permettent de réduire la consommation de carburant de 45%, de diminuer les nuisances sonores de 80%, et de faire baisser les émissions polluantes jusqu’à 83%. Une seule unité de CKD6H permettrait ainsi de réduire l’empreinte carbone d’environ 240 tonnes de CO₂ par an.
Mais derrière ces chiffres se cache une logique d’influence plus large. Le constructeur chinois mise sur une hybridation standardisée pour exporter ses solutions vertes sur les cinq continents. L’unité CKD6H livrée à KTZ est certifiée TR CU 001/2011 pour l’espace eurasien, et pourrait bien servir de tête de pont pour des projets similaires dans les pays membres de l’Union économique eurasiatique.