Le Kazakhstan allume le turbo pour dominer le monde du e-sport
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Le Kazakhstan vient d’annoncer le lancement d’un programme national ambitieux de développement des e-sports, intégrant les jeux compétitifs dans les politiques publiques pour les années 2025 à 2029. L’objectif ? Faire du pays une puissance incontournable du sport électronique mondial. Ce virage stratégique place le Kazakhstan dans une course à l’innovation numérique où se mêlent enjeux économiques, culturels et éducatifs.

L’e-sport comme outil stratégique au Kazakhstan

Il ne s’agit plus de « simples jeux ». Le Kazakhstan, par le biais de son ministère du Tourisme et des Sports, a publié une stratégie officielle de cinq ans visant à structurer, encadrer et dynamiser le secteur des e-sports sur son territoire. L’annonce dévoile un arsenal impressionnant : arènes ultramodernes, académies spécialisées, tournois nationaux et internationaux, et un encadrement réglementaire inédit pour professionnaliser l’écosystème.

L’intégration éducative est un pilier central du dispositif. D’ici 2029, pas moins de sept universités kazakhstanaises proposeront des cursus liés à l’e-sport : gestion de projet, cybersécurité, développement de jeux ou encore analyse de données des compétitions. Des académies régionales de formation ouvriront leurs portes aux futurs coachs, analystes et joueurs professionnels. Le Kazakhstan veut bâtir des champions à l’image de ses anciennes gloires comme les équipes victorieuses à la DreamHack Open Winter (2016) ou au PGL Major de Cracovie (2017).

Investissements colossaux et infrastructures numériques

Cette stratégie repose aussi sur un socle d’infrastructures. La construction de centres de haute technologie, dotés d’un internet ultra-rapide et de serveurs locaux pour des jeux comme Counter-Strike 2 ou PUBG Mobile, vise à réduire drastiquement les temps de latence. La performance se joue désormais en millisecondes.

Les partenariats public-privé sont l’outil de prédilection du gouvernement kazakhstanais. Les autorités courtisent les géants des télécommunications et de la tech pour co-financer cette expansion. La promesse : un cadre réglementaire clair, des subventions ciblées et un accès privilégié à une jeunesse technophile en pleine explosion. L’objectif affiché est limpide : attirer les tournois d’envergure mondiale comme les BLAST Series ou le PGL, et transformer des villes comme Astana ou Almaty en plaques tournantes du e-sport régional.

L’e-sport kazakhstanais, un outil diplomatique, vitrine culturelle et moteur économique

Le Kazakhstan ne cache plus ses ambitions internationales. Dans un monde où la valeur du marché global du e-sport est attendue à 48,09 milliards de dollars d’ici 2034 selon les prévisions officielles, s’insérer dans la chaîne de valeur est une question de souveraineté numérique. L’alignement avec le Comité international olympique (CIO), qui a reconnu officiellement l’e-sport, est symbolique. Les premiers Jeux Olympiques de l’e-sport sont d’ailleurs prévus pour 2027 à Riyad – le Kazakhstan compte bien y figurer dignement.
Cette ambition sert aussi un but domestique. En 2025, 3,5 millions de citoyens du Kazakhstan participaient ou suivaient les compétitions de e-sports. Le plan vise 4,8 millions en 2029. À cette date, 700 publications annuelles devront mettre en lumière la scène nationale. Sur le plan social, le gouvernement mise sur les bienfaits du jeu vidéo compétitif : développement de l’esprit d’équipe, de la stratégie et de la discipline. Sur le plan économique, les projections s’appuient sur la création de milliers d’emplois dans le management, le marketing ou la production événementielle.

Mais les défis sont loin d’être anecdotiques : manque de financements durables, fuite des talents vers l’étranger, dépendance aux sponsors privés parfois issus d’industries controversées comme les jeux d’argent. Le texte officiel mentionne la volonté de « limiter l’influence de sources de financement éthiquement discutables telles que les bookmakers ». Cette prise de position pourrait poser des tensions avec certaines sources traditionnelles de revenus de l’e-sport mondial.

Des ambitions numériques à la réalité géopolitique

Sous la supervision directe du ministère du Tourisme et des Sports, et avec la collaboration de celui de l’Éducation et de la Culture, ce programme veut jouer collectif. La Fédération kazakhe d’e-sport en est le bras armé opérationnel. Pour appuyer cette politique, des événements comme le PGL Astana 2025, organisé récemment sur la Barys Arena et rassemblant 16 équipes mondiales, servent de vitrine diplomatique autant que de test grandeur nature.

Mais au fond, que cherche le Kazakhstan ? Peut-être à gagner autre chose que des compétitions. En inscrivant le e-sport dans ses priorités nationales, le pays projette une image d’innovation et de jeunesse tournée vers le futur. Le message est clair : ici, le XXIe siècle se construit aussi manette en main.

Illustration www.freepik.com.

Par Rodion Zolkin
Le 06/10/2025

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