Le Kazakhstan pourrait fournir la Bulgarie en uranium
centrale nucléaire

Une alliance inattendue se profile à l’est de l’Europe. Une matière fissile, des négociations discrètes, et un pays au cœur de l’Asie prêt à livrer plus que de simples barils ou barres d’énergie. Derrière la promesse d’un contrat nucléaire entre le Kazakhstan et la Bulgarie, un jeu géopolitique se cristallise.

Le Kazakhstan s’impose dans l’uranium : la Bulgarie dans sa ligne de mire

Le 9 juin 2025, le président de Samruk-Kazyna, le fonds souverain du Kazakhstan, Nurlan Jakoupov, a déclaré que des pourparlers sont en cours pour livrer de l’uranium kazakhstanais à la centrale bulgare de Kozlodouï, située près de la frontière roumaine. Selon lui, « le champ de coopération potentielle concerne la livraison de notre uranium à la centrale nucléaire bulgare ». Sans divulguer les volumes, Nurlan Jakoupov a toutefois confirmé l’existence d’un dialogue stratégique.

Ce n’est pas la première fois que le Kazakhstan envisage de nourrir le réacteur d’un autre. Des accords ont déjà été signés avec la République tchèque (centrale de Temelín) et la Suisse (Béznau et Leibstadt). Mais le cas bulgare a ceci de particulier : il s’agit du dernier bastion nucléaire opérationnel du pays. Kozlodouï, avec ses six réacteurs (dont quatre arrêtés pour non-conformité aux normes de sécurité), génère à elle seule 18% de l’électricité du pays.

L’uranium kazakhstanais, une ambition stratégique dans un marché redessiné

Dans ce marché mondial tendu, le Kazakhstan se positionne avec aplomb. Il extrait 40% de l’uranium mondial et détient 14% des réserves prouvées, selon le ministère kazakhstanais de l’Énergie. Mais ce n’est pas seulement la matière première qui attire Sofia : le pays a développé des capacités de transformation qui s’industrialisent à vitesse atomique.

L’Usine métallurgique d’Oulba (UMZ), bras armé de Kazatomprom, fabrique déjà des pastilles de dioxyde d’uranium transformées en assemblages combustibles (TVS) pour les réacteurs chinois. En 2023, elle avait une capacité de production de 200 tonnes par an, avec la possibilité de doubler la production à 400 tonnes.

Et Sofia n’est pas un cas isolé. La demande mondiale se raffermit. Tandis que certains pays ferment leurs réacteurs, d’autres les rouvrent, les prolongent ou en construisent. Dans ce jeu d’équilibre radioactif, le Kazakhstan veut être l’élément stable dans l’équation incertaine de la transition énergétique européenne.

Stratégie nucléaire : entre exportation et sécurité énergétique nationale

Mais le pays ne compte pas se contenter d’alimenter les réacteurs étrangers. Le Kazakhstan prépare activement sa propre aventure nucléaire. Le référendum du 6 octobre 2024 a ouvert la voie à la construction d’une première centrale sur le site d’Ülken (région de Balkhach), validé par une expertise japonaise. D’autres sites, comme Kourtchatov, sont aussi à l’étude.

« Le Kazakhstan sera en mesure de se fournir entièrement en combustible nucléaire s’il construit sa propre centrale », avait déclaré fin septembre 2024 Gulmira Moursalova, du ministère kazakhstanais de l’Énergie. Le pays fabrique déjà des pastilles, mais il lui manque deux étapes clés : la conversion et l’enrichissement. Un détail ? Pas vraiment. Car si les réacteurs sont de conception russe ou sud-coréenne, il faudra adapter la chaîne de production. Un pari technique autant que diplomatique.

Côté stockage, le ministère a également annoncé la création d’un stock stratégique d’uranium brut. L’objectif : garantir l’indépendance énergétique en cas de crise d’approvisionnement. Selon le ministère de l’Énergie, cela s’inscrit dans une stratégie visant à construire jusqu’à trois réacteurs à moyen terme.

Quand le minerai devient monnaie d’influence

Mais au-delà des chiffres et des technologies, ce que cherche le Kazakhstan, c’est une place durable dans la diplomatie énergétique mondiale. Les routes de l’uranium ne se tracent pas à coups de pioche, mais de contrats, de standards techniques, et de dépendances croisées. Et sur ce plan, Sofia semble aujourd’hui moins méfiante qu’hier.

Pendant que certains pays se débattent entre moratoires, contestations et pénuries, Astana avance, lentement, méthodiquement. Sa stratégie nucléaire est claire : produire, transformer, vendre… et consommer. La Bulgarie n’est qu’une étape, mais elle illustre parfaitement le basculement d’un marché jadis dominé par quelques géants. Le Kazakhstan s’installe, et il ne compte pas laisser sa place.

Par Rodion Zolkin
Le 06/09/2025

Newsletter

Pour rester informé des actualités de l’Asie centrale