OpenAI paiera désormais des impôts au Kazakhstan

Le géant de l’intelligence artificielle OpenAI est désormais officiellement enregistré au Kazakhstan et s’acquittera de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) locale sur ses services numériques.

OpenAI et la fiscalité kazakhstanaise : une imposition bienvenue

Le Kazakhstan, qui a mis en place dès 2022 une taxe spécifique sur les services numériques – souvent qualifiée de « taxe Google » –, entend montrer qu’aucune multinationale, même de pointe, n’échappera à l’impôt local. OpenAI a ainsi rejoint la liste des 101 entreprises étrangères qui contribuent à cette recette fiscale. Avec 75 milliards de tenges (environ 160 millions d’euros) collectés sur trois ans, dont 35 milliards (75 millions d’euros) rien qu’en 2024, ce régime s’impose comme un modèle régional de fiscalité numérique. Le Comité des revenus publics du Kazakhstan l’a confirmé sans ambiguïté : « Maintenant, pour les services fournis aux particuliers au Kazakhstan, ChatGPT versera la TVA conformément à la législation fiscale locale ».

Cette décision intervient alors qu’OpenAI revendique quelque 800 millions d’utilisateurs dans le monde, soit un dixième de la population mondiale selon une déclaration de Sam Altman en avril 2025. Face à une telle portée, la capacité des États à imposer ces flux financiers ne peut plus être ignorée, au risque de voir le numérique s’affranchir des règles de contribution à la collectivité.

En Californie, OpenAI entre dans la ligne de mire du procureur général

Mais la fiscalité d’OpenAI ne se résume pas au Kazakhstan. Aux États-Unis, la firme est prise dans une tourmente judiciaire et réglementaire sans précédent. Le procureur général de Californie, Rob Bonta, a ouvert une enquête sur le passage controversé d’OpenAI d’une organisation à but non lucratif à une société à but lucratif plafonné. Ce changement structurel, qui doit permettre d’attirer davantage d’investisseurs et d’augmenter ses capacités de financement, pose des questions juridiques fondamentales. Comment transférer les actifs d’une organisation caritative à une entité commerciale sans violer les règles protégeant ces biens ?

Dans une lettre adressée à OpenAI le 6 décembre 2024, le procureur adjoint Christopher Lamerdin rappelait que « les actifs d’OpenAI sont irrévocablement dédiés à sa mission caritative » et soulignait la « responsabilité de protéger les actifs détenus en fiducie charitable ». L’objectif est clair : garantir que ces actifs ne soient pas détournés pour générer des profits privés. Malgré plusieurs demandes, OpenAI n’a pas fourni de réponse officielle, laissant planer un flou inquiétant sur sa gouvernance réelle.

Cette situation a suscité une vive critique : « Le Département de la Justice est engagé à protéger les actifs caritatifs pour leur usage prévu et prend cette responsabilité très au sérieux ». Les détracteurs mettent en garde contre un précédent potentiellement explosif : autoriser des startups à conserver des avantages fiscaux sous couvert de non-profit avant de devenir des machines à profits. Parmi eux, Meta a fait pression pour empêcher cette conversion, tandis qu’Elon Musk, ancien cofondateur d’OpenAI, a engagé une procédure judiciaire pour bloquer cette transition.

OpenAI, une structure hybride qui interroge

Fondée en 2015 avec le soutien de figures majeures comme Reid Hoffman ou Elon Musk, OpenAI était initialement une organisation non lucrative axée sur la recherche au service de l’humanité. Mais dès 2019, elle crée une entité à but lucratif plafonné pour lever des fonds indispensables à l’entraînement de ses modèles d’intelligence artificielle. Cette double structure, combinant mission scientifique et logique capitaliste, pose une véritable énigme fiscale et éthique.

Les rapports officiels du fisc américain confirment cette complexité. OpenAI Inc, toujours reconnue comme organisation 501(c)(3) non lucrative, déclare en 2023 un chiffre d’affaires de 5,36 millions de dollars, avec un total d’actifs de 22,7 millions. Les rémunérations versées aux dirigeants, dont Sam Altman perçoit environ 65.000 dollars, restent modérées au regard des sommes levées et investies. Cependant, la tension entre la mission sociale affichée et la réalité financière, notamment les levées de fonds massives (6,6 milliards de dollars en 2024) et les projets pharaoniques (Stargate Project à 500 milliards), ne cesse d’alimenter le débat public et juridique.

Un exemple révélateur des défis fiscaux du numérique mondial

La situation d’OpenAI illustre à elle seule les difficultés de la fiscalité face à la révolution numérique. D’un côté, des États comme le Kazakhstan imposent désormais concrètement ces géants, prouvant que la souveraineté fiscale demeure possible. De l’autre, des pays comme les États-Unis affrontent les limites juridiques de modèles hybrides qui brouillent les frontières entre non-profit et entreprise commerciale, avec les risques de pertes de recettes fiscales qui en découlent.

Le rapport d’OpenAI aux impôts n’est donc pas qu’une question locale ou ponctuelle : il symbolise les défis planétaires posés par les innovations technologiques à un système fiscal conçu pour des économies traditionnelles.

Illustration www.freepik.com.

Par Rodion Zolkin
Le 05/28/2025

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