Au Kazakhstan, un fonds de l’héritage culturel pour sauver les savoir-faire ancestraux
l’héritage culturel

Dans un monde où la modernité dévore les traditions, le Kazakhstan vient de poser une pierre, ou plutôt une fondation, pour sauvegarder ce qui pourrait bientôt n’être plus qu’un souvenir. Le 25 mai 2025 marque le lancement officiel d’un fonds de l’héritage culturel destiné à préserver les métiers ancestraux et à raviver un patrimoine menacé d’extinction. Ce geste, aussi symbolique que nécessaire, soulève néanmoins des interrogations : est-ce suffisant pour contrer l’érosion culturelle et la fuite des savoir-faire ?

Un fonds de l’héritage culturel au Kazakhstan : une urgence palpable face à la disparition des artisans

Le Kazakhstan, pays aux racines profondes et au patrimoine riche, se confronte à un constat alarmant : ses métiers traditionnels s’effacent. Parmi eux, la fabrication des yourtes, symboles tangibles de la culture nomade, est presque abandonnée. La présidente de l’Union des artisans kazakhstanais, Aïjan Bekkoulova, tire la sonnette d’alarme sans détour : « En Kazakhstan, il n’y a presque plus de maîtres pour fabriquer des yourtes. Nous avons moins de cinq artisans capables de produire le feutre nécessaire. Si nous ne mobilisons pas rapidement l’attention collective, dans cinq ans il ne restera plus rien à montrer ni raconter. Nous resterons seulement avec des téléphones portables ». Cette réalité crue éclaire l’urgence de créer un fonds dédié à l’héritage culturel, destiné à encourager la recherche, la conservation et la promotion des savoir-faire populaires.

Sponsoring de chevron et coopération internationale : mécénat ou instrument politique ?

Le fonds ne serait pas ce qu’il est sans l’apport financier d’un acteur inattendu : la multinationale pétrolière Chevron. Cette dernière s’est engagée à hauteur de 150.000 dollars, soit environ 140.000 euros, pour soutenir ce projet culturel. Cette alliance surprenante pose plusieurs questions : le sponsoring privé d’une compagnie pétrolière, dont les activités sont souvent pointées du doigt pour leur impact environnemental, peut-il réellement servir la cause d’un patrimoine culturel à préserver ? Ou bien s’agit-il d’une opération de relations publiques ?

Quoi qu’il en soit, ce financement permet au projet de s’appuyer sur des partenariats solides, notamment avec le Centre de la vie populaire et du patrimoine culturel du Smithsonian Institution, basé à Washington, qui a récemment dépêché des experts à Almaty pour accompagner la création de ce fonds. Le soutien du gouvernement kazakh via son ambassade aux États-Unis complète ce dispositif.

Un projet ambitieux pour redynamiser la culture artisanale kazakhe : échanges et transmission

Ce fonds de l’héritage culturel vise plus que la simple conservation. Il ambitionne d’insuffler une nouvelle vie aux métiers traditionnels, notamment en impliquant la jeunesse kazakhe, souvent détournée des pratiques ancestrales par l’attrait de la modernité et la migration vers les centres urbains.

Une dimension internationale enrichit cette démarche : des artisans sélectionnés au Kazakhstan participeront à la foire internationale d’art populaire de Santa Fe et Tucson, aux États-Unis, avant d’accueillir leurs homologues américains à Almaty lors d’un festival de l’artisanat. Ce va-et-vient culturel favorise l’échange d’expériences et pourrait renforcer la visibilité et la valorisation des traditions kazakhes sur la scène mondiale.

Cet effort de sauvegarde, bien qu’encourageant, s’inscrit dans un défi de taille. En moins de cinq ans, les métiers comme celui de fabricant de yourtes risquent de sombrer dans l’oubli. Le fonds, soutenu par Chevron, marque une première étape ; sa réussite dépendra de sa capacité à mobiliser une dynamique durable autour des traditions populaires, sans se limiter à une simple opération symbolique ou ponctuelle.

Par Païsiy Ukhanov
Le 05/27/2025

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