Le 21 mai 2025, une annonce du ministère de la Culture et de l’Information du Kazakhstan a confirmé que tous les films destinés aux salles seront prochainement soumis à une prévisualisation obligatoire. Ce dispositif, ordonné par le président Kassym-Jomart Tokaïev lors du Kurultai national de 2025, entend muscler le cadre légal entourant la distribution cinématographique. Une mesure qui, sans employer le mot censure, ressemble à un contrôle accru de la production culturelle.
Le Kazakhstan redéfinit les règles du jeu cinématographique
L’enjeu ? « La mise en place d’un pouvoir officiel de visionnage préalable des films avant leur distribution », comme l’indique une réponse officielle du ministère. Cette proposition législative prévoit de modifier la loi « Sur la cinématographie » afin de rendre ce contrôle non seulement légal, mais également systématique. Une commission d’experts devrait être mise en place pour évaluer chaque œuvre à l’aune d’un cahier des charges inédit.
Les objectifs déclarés sont limpides : « éviter les atteintes à la morale, à la langue nationale, aux normes de décence, à la sécurité psychologique des enfants ». Un langage qui, sous des airs protecteurs, balise une politique de filtrage plus structurelle.
L’idéologie nationale comme critère d’analyse
Si l’industrie du divertissement kazakhstanaise n’a jamais été totalement exempte de régulation, cette initiative en élargit nettement le spectre. Les critères retenus pour évaluer les films incluent la détection de contenus jugés violents, extrémistes, ou véhiculant de l’intolérance raciale et ethnique. Le ministère assume un recentrage idéologique : « filtrer les contenus selon des repères linguistiques et nationaux », tout en « réduisant les distorsions de la langue kazakhe à l’écran ».
L’intention d’aligner les films projetés sur une forme de cohérence culturelle nationale soulève des interrogations. Jusqu’où ira l’épure imposée ? Et qui déterminera la définition d’une déviation morale ou linguistique ?
Une réforme dans la lignée d’un contrôle renforcé du récit
La régulation des sorties cinéma n’est pas une nouveauté au Kazakhstan. En 2024 déjà, le ministère avait modifié les règles d’attribution du statut de film national et des certificats officiels, resserrant les critères. L’actuelle proposition en est une extension logique, quoique plus radicale. La version du film soumise à la commission devra être identique à celle projetée. En cas de modification entre la validation et la diffusion, le film devra être réexaminé. Cette exigence de conformité intégrale pourrait, dans les faits, geler certaines formes de création.
Le président Tokaïev, à l’origine de cette nouvelle direction politique, ne s’en cache pas : il souhaite une industrie cinématographique « conforme aux valeurs de la société kazakhstanaise ». Reste à savoir si les salles de cinéma deviendront des temples de l’uniformité ou si les marges de liberté résisteront au filtre étatique.
Un clap de fin pour la diversité ?
Derrière ce tournant réglementaire, c’est toute la notion d’espace artistique pluraliste qui est en jeu. Les effets sur la création indépendante, les coproductions internationales ou les jeunes auteurs risquent d’être tangibles. Si la ligne officielle refuse toute référence à la censure, la logique à l’œuvre évoque bel et bien une reprise en main narrative. Pour le meilleur ou pour le pire.