Fortunes du Kazakhstan : le vrai pouvoir est dans les bilans
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Forbes Kazakhstan vient de dévoiler son classement annuel des 75 plus grandes fortunes du pays. Dans cette publication très attendue, chaque nom inscrit est bien plus qu’un chiffre : c’est l’incarnation d’un empire, souvent opaque, toujours stratégique. Derrière chaque ligne de ce palmarès, une entreprise-clé, un secteur structurant, une influence redoutable. Car les fortunes redessinent le paysage kazakhstanais, bien au-delà de la façade politique.

Le trio de tête des fortunes : empires bancaires et miniers

En première place, Vyacheslav Kim confirme sa domination économique. L’homme d’affaires, actionnaire majeur du Kaspi Bank et de AO Alseco, voit sa fortune atteindre 7,1 milliards de dollars, soit environ 6,6 milliards d’euros. Cette progression de 1,3 milliard sur un an est attribuée à la croissance continue de la plateforme Kaspi.kz et à sa volonté affichée de prendre le contrôle du Jusan Bank, consolidant ainsi son emprise sur le secteur bancaire.

Vyacheslav Kim ne se contente pas de croître : il verrouille. Son influence ne s’étend pas seulement sur la finance. C’est un opérateur stratégique de données, un architecte de réseaux numériques et un homme de réseaux politiques, comme l’attestent ses nombreuses alliances industrielles.

En deuxième position, l’ascension fulgurante de Timur Turlov marque l’année. À seulement 36 ans, il passe de la cinquième à la seconde place avec une fortune évaluée à 5,8 milliards de dollars (5,4 milliards d’euros). Le fondateur de Freedom Holding Corp., qui contrôle Freedom Finance, Freedom Bank, Freedom Insurance et même Freedom Mobile, a également acquis le contrôle de l’aéroport de Karaganda, Sary-Arka, signe que sa stratégie vise la diversification lourde. Le média Tatler Kazakhstan complète sa galaxie.

La troisième place revient à Vladimir Kim, magnat des ressources naturelles. Avec 5,7 milliards de dollars (5,3 milliards d’euros), cet industriel détient des participations majeures dans KAZ Minerals, Kazakhmys Holding Ltd et dans la banque RBK. Il est le visage d’un Kazakhstan minier, extractif, résolument tourné vers les métaux rares.

L’autre face des fortunes : héritages, stratégies familiales et patrimoines croisés

Le top 10 n’est pas qu’un sommet, c’est une dynastie économique. Ainsi, Timur et Dinara Koulibayev, héritiers de l’ancien président Noursoultan Nazarbaïev, contrôlent des intérêts énergétiques colossaux via KazEnergy et Halyk Bank. Leurs revenus sont plus que des dividendes : ils incarnent un pouvoir économique transmis par le sang et consolidé par les alliances.

Plus discret, Boulat Utemuratov, ancien diplomate reconverti en stratège d’affaires, conserve une position enviable. Banques, immobilier, télécommunications : rien n’échappe à son appétit d’expansion.

La famille Ibragimov reste incontournable dans le secteur des matériaux de construction et des infrastructures. Nurlan Smagulov, quant à lui, prospère dans l’automobile et le commerce, notamment via les concessions Hyundai. Les Sarsenov, à travers Technodom, dominent l’électronique grand public. Enfin, Aïdyn Rakhimbaïev, promoteur du groupe BI Group, règne sur la construction et le BTP.

Fortunes émergentes et nouvelles têtes : une recomposition en cours

Parmi les révélations du classement figure Mikhail Lomtadze, PDG et cofondateur de Kaspi.kz, avec une fortune estimée à 5,9 milliards de dollars (5,5 milliards d’euros). Son rôle stratégique au sein de la plateforme Kaspi est indissociable de l’essor de Vyacheslav Kim.

Autre figure montante : Arsen Tomsky, entrepreneur à l’origine de inDrive, application de transport mondialement implantée. Avec 1,5 milliard de dollars (1,4 milliard d’euros), il incarne l’émergence d’une économie kazakhstanaise connectée à la tech mondiale.

Le cas de Dariga Nazarbaïeva, fille de l’ancien président, mérite mention. Classée 17e, elle cumule une fortune de 571 millions de dollars (532 millions d’euros). Quant à Kenes Rakishev, à la tête de Fincraft Group, il demeure influent, notamment dans le secteur des investissements alternatifs.

La géopolitique des fortunes, miroir du Kazakhstan moderne

Le classement 2025 des fortunes du Kazakhstan n’est pas un simple inventaire de milliardaires. Il révèle une cartographie du pouvoir, où la finance, les ressources et les réseaux politiques s’entrelacent. On y lit les tensions entre vieux clans et nouvelles puissances, entre héritiers et bâtisseurs, entre immobilisme et ambition numérique. Ce Kazakhstan-là ne se décrète pas : il se calcule en monnaie sonnante et trébuchante, en actions, en influence. Et ce sont ces chiffres, bien plus que les urnes, qui dessinent l’avenir.

Par Rodion Zolkin
Le 05/09/2025

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