Réforme de l’enseignement ouzbek : accréditer ou disparaître
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L’Ouzbékistan a annoncé la création d’une Agence nationale pour l’assurance qualité de l’enseignement (ANAQE), rattachée directement à la présidence. Cette initiative, aussi spectaculaire que révélatrice, survient dans un contexte de méfiance croissante à l’égard de la qualité de la formation et de son inadéquation avec les besoins du marché du travail. Le mot d’ordre est clair : évaluation, redressement, sanction.

Accréditer pour mieux sanctionner : le cœur du nouveau dispositif de l’enseignement ouzbek

L’ANAQE ne se contente pas de distribuer des bons points. Chaque établissement – qu’il s’agisse d’enseignement secondaire spécialisé, de formation professionnelle, d’universités ou de structures de formation continue – sera soumis à une accréditation complète tous les cinq ans, assortie d’une évaluation externe. Si la copie n’est pas rendue à temps ou si les corrections sont bâclées, la licence sera tout bonnement annulée. Pas de demi-mesure. Le calendrier est serré, les délais sont fermes, les conséquences sont brutales.
L’accréditation spéciale, quant à elle, s’appliquera à tous les nouveaux programmes de formation, et ce, avant même le début des cours. L’objectif est limpide : interdire tout enseignement non validé en amont par l’État. En cas de manquement, l’accueil d’étudiants sera bloqué, et l’établissement devra répondre de ses écarts.

Transferts obligatoires et interventions musclées : l’enseignement au garde-à-vous

Le sort réservé aux établissements fautifs est tout sauf symbolique. Si une structure perd son accréditation ou sa licence, les étudiants seront immédiatement transférés dans d’autres établissements. Et ce n’est pas un choix, mais une procédure encadrée par le ministère de l’Enseignement supérieur, des Sciences et de l’Innovation. Cette forme de relocalisation pédagogique ressemble davantage à un plan d’urgence qu’à une simple mesure administrative.

Mais ce n’est pas tout : l’ANAQE dispose également d’une capacité d’audit inopiné, déclenché par une analyse de risque. Celle-ci intègre des facteurs aussi divers que les plaintes déposées, les résultats d’enquêtes ou encore les échos dans les médias et les réseaux sociaux. Une institution peut donc se retrouver dans le viseur sans préavis, et subir un contrôle sans filet.

Classement, employabilité et dictature de l’adéquation : le nouvel ordre de l’enseignement

L’Agence ne se limite pas à surveiller. Elle classe. Elle note. Elle établit un palmarès national des établissements éducatifs, sur la base de leur performance académique et scientifique. Une sorte de compétition nationale, avec des implications concrètes pour les financements, les partenariats et la réputation.

Mais surtout, l’ANAQE s’engage dans un projet ambitieux : mesurer l’adéquation entre les compétences des diplômés et les attentes du marché du travail. Pour ce faire, elle organisera une enquête nationale auprès des employeurs. Si les résultats sont décevants, les établissements concernés risquent de voir leurs programmes suspendus, leurs agréments remis en question. L’enseignement devient une course contre le déclassement.

Une structure présidentielle pour un contrôle vertical de l’enseignement

Le caractère ultra-centralisé de l’agence n’est pas anodin : elle dépend directement du président ouzbek et non du ministère de l’Éducation. Ce choix institutionnel souligne la volonté du pouvoir exécutif de garder la main sur un levier stratégique de réforme. À sa tête, on retrouve Adkham Yusupovich Khudoykulov, ancien directeur du Centre de projets dans le domaine de l’éducation, structure absorbée dans la nouvelle entité.

En prime, l’Institut pour le développement du système national de qualifications est intégré à l’agence, créant un pôle unifié de normalisation, d’évaluation et de réforme de la formation. L’État devient à la fois arbitre, contrôleur et architecte de l’enseignement.

À partir de juillet 2025, l’enseignement ne tolérera plus l’amateurisme institutionnel

À compter du 1er juillet 2025, les nouvelles institutions devront d’abord décrocher une licence officielle, puis faire valider chaque programme par une accréditation spéciale. La règle est inflexible : aucun étudiant ne sera admis dans une formation non accréditée. Et l’institution qui braverait cette obligation risque la suspension immédiate de sa licence.

Ce resserrement des contrôles est conçu pour renforcer la crédibilité des diplômes ouzbeks, tout en assainissant le paysage éducatif du pays. Mais il soulève aussi des interrogations : jusqu’où ira le contrôle centralisé ? Quel impact sur la liberté pédagogique ? L’efficacité de la réforme ne pourra être jugée que sur pièces, dans les mois – et les générations – à venir.

Par Rodion Zolkin
Le 05/08/2025

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