Et si le centre du monde logistique de demain passait par des rails traversant l’Afghanistan ? À l’heure où les grandes puissances rebattent les cartes du commerce international, un projet ambitieux pourrait redessiner les routes de l’or noir, du coton et des semi-conducteurs.
L’Ouzbékistan et la Russie ont confirmé leur volonté de concevoir ensemble le projet du chemin de fer transafghan. Une infrastructure colossale, en discussion depuis plusieurs années, qui s’inscrit dans la dynamique de création d’un nouveau corridor « Nord-Sud » reliant les marchés d’Asie du Sud-Est, de la Communauté des États Indépendants (CEI), de la Chine et de l’Europe. Mais derrière les promesses affichées, quels intérêts stratégiques cache réellement cette voie ferrée ?
Le chemin de fer transafghan : une utopie sur rails ou une révolution logistique ?
Ce chemin de fer, qui doit relier Termiz, Mazar-e-Charif, Kaboul et Peshawar, est présenté comme le chaînon manquant d’un maillage logistique eurasien. D’après l’annonce de la Représentation commerciale de la Fédération de Russie en Ouzbékistan, « les bureaux de projets de l’Ouzbékistan et de la Russie élaboreront ensemble le tracé de la voie ferrée ». Le projet vise clairement à réduire de 30 à 40% la durée et le coût du transport des marchandises entre l’Asie du Sud-Est et l’Europe.
En d’autres termes : remplacer les cargos lents et coûteux passant par le canal de Suez par des trains rapides traversant l’Afghanistan… Pari audacieux ou vœu pieux ?
L’intérêt économique pour l’Ouzbékistan : transformer un pays enclavé en carrefour mondial
Aujourd’hui, l’Ouzbékistan étouffe dans sa géographie : sans accès à la mer, ses exportations dépendent de réseaux fragiles. Ce futur chemin de fer pourrait bien changer la donne. « Le partenariat avec la Russie dans la création du corridor Nord-Sud et de la voie ferrée transafghane permettra à l’Ouzbékistan de devenir un pôle logistique majeur », peut-on y lire.
Pourquoi cet engouement ? Tout simplement parce que le pays verrait s’ouvrir une nouvelle route stratégique vers le port pakistanais de Gwadar, offrant une alternative tangible aux routes maritimes traditionnelles. À la clef, des économies substantielles pour le commerce extérieur et une attractivité décuplée pour les investisseurs.
Les défis titanesques du projet : quand la géopolitique rencontre les montagnes
Si les autorités ouzbèkes et russes affichent un enthousiasme sans faille, la réalité du terrain tempère ces ambitions. Lors de son allocution du 20 octobre 2024, le ministre des Transports ouzbek, Ilhom Mahkamov, avertissait : « La construction nécessitera au moins cinq ans en raison des complexités inhérentes au terrain et à la situation politique ».
Car traverser l’Afghanistan, ce n’est pas uniquement franchir des montagnes abruptes et des vallées instables ; c’est aussi parier sur une stabilité politique encore incertaine. Un pari qui pourrait coûter cher si le pays sombrait à nouveau dans le chaos.
Si l’on en croit les projections actuelles, la construction devrait débuter courant 2025, avec une livraison pas avant 2030. En investissant massivement dans ce projet ferroviaire, l’Ouzbékistan ne cherche pas simplement à tracer des rails : il veut se repositionner sur l’échiquier économique mondial. À la croisée des empires, entre opportunité colossale et incertitude explosive, ce projet transafghan est tout sauf une simple ligne sur une carte. Ce sera un test grandeur nature de la capacité de l’Asie centrale à s’imposer comme nouveau carrefour du commerce mondial.