Le Kazakhstan pleure le pape François
pape François et Kassym-Jomart Tokaïev

Une silhouette blanche sur le tarmac, un dernier adieu sous les cieux d’Astana… Entre poignées de main diplomatiques et étreintes spirituelles, ce que le Kazakhstan vient de perdre dépasse la simple figure du souverain pontife.

Le pape François est donc décédé le 21 avril 2025 à l’âge de 88 ans. Dès l’annonce officielle de sa disparition, les réactions ont afflué de toutes parts, dont celle du président kazakhstanais, Kassym-Jomart Tokaïev. Une réaction à la hauteur de la relation nouée entre le Saint-Père et la nation kazakhstanaise, que le chef de l’État a tenu à souligner publiquement dans un message solennel. Le pape François n’était pas seulement une figure religieuse de premier plan : pour le Kazakhstan, il incarnait un symbole vivant de dialogue, de paix et d’une diplomatie spirituelle rare.

Kassym-Jomart Tokaïev salue « un symbole éclatant de tolérance et de compréhension mutuelle »

Dans un message publié sur le réseau social X le 21 avril 2025, Kassym-Jomart Tokaïev a exprimé ses condoléances officielles à la suite du décès du souverain pontife. « Je me souviens très bien de mes rencontres avec le pape et de sa visite apostolique historique au Kazakhstan en 2022, qui a été un symbole éclatant de tolérance et de compréhension mutuelle. On se souviendra toujours du pape François comme d’un grand berger de la paix et d’un promoteur infatigable du dialogue et de l’harmonie interconfessionnels », a-t-il écrit.

Le choix des mots est tout sauf anodin : le président kazakh ne se contente pas d’une déclaration protocolaire. Il évoque leur rencontre, la visite apostolique de septembre 2022, et souligne la mémoire d’un « grand pasteur de la paix ». Dans un pays où les catholiques représentent à peine 1,3% de la population — environ 250.000 fidèles sur près de 19 millions d’habitants —, cette reconnaissance présidentielle reflète une appréciation du rôle symbolique du pape bien au-delà du simple poids démographique.

pape François et Kassym-Jomart Tokaïev

Le Kazakhstan et le pape François : un lien façonné par des rencontres décisives

La relation entre le pape François et le Kazakhstan ne se limite pas à une déclaration posthume. En septembre 2022, le souverain pontife s’est rendu à Astana pour participer au VIIe Congrès des leaders des religions mondiales et traditionnelles. Cette visite — qualifiée d’« historique » par Kassym-Jomart Tokaïev — a été marquée par une série d’échanges bilatéraux intenses. Le président kazakhstanais a personnellement raccompagné le pape à l’aéroport, illustrant la proximité diplomatique entre les deux figures.

Lors de cette visite, ils ont tenu une rencontre avec les représentants de la société civile et du corps diplomatique au palais présidentiel. Le pape y avait salué la diversité culturelle et la coexistence pacifique des religions au Kazakhstan, tout en affirmant : « Le Kazakhstan peut servir de modèle de coexistence harmonieuse dans un monde fragmenté ».

pape François et Kassym-Jomart Tokaïev

Une deuxième rencontre, cette fois au Vatican le 19 janvier 2024, a renforcé cette complicité politique et spirituelle. Kassym-Jomart Tokaïev y avait évoqué les efforts du Kazakhstan pour devenir une plateforme du dialogue mondial, recevant en retour les encouragements du pape pour « continuer à promouvoir la paix par des moyens non violents ».

pape François et Kassym-Jomart Tokaïev

Une figure contestée, mais respectée, jusqu’au sein du clergé kazakhstanais

Les relations n’ont cependant pas été sans friction. Lors de sa visite au Kazakhstan, le pape François avait rappelé : « L’extrémisme religieux n’a pas sa place ici », une déclaration mal accueillie par certains représentants conservateurs de l’Église locale, à l’image de l’évêque Athanasius Schneider. Pourtant, malgré ces critiques, l’image du pape comme défenseur infatigable de la paix n’a jamais été ternie aux yeux de la majorité des Kazakhstanais.

En janvier 2024, lors des inondations massives qui ont frappé plusieurs régions du Kazakhstan, le souverain pontife avait publiquement exprimé sa solidarité et demandé à prier « pour nos frères et sœurs du Kazakhstan », dans un geste salué au sein même du Sénat kazakhstanais.

Une mémoire vivante entretenue par la prière et le rituel

À Astana, l’Église catholique de Notre-Dame du Perpétuel Secours a accueilli le 21 avril 2025 une messe solennelle à la mémoire du pape défunt. L’archevêque Tomasz Peta y a déclaré : « Il a montré au monde qu’un pontife peut être un pasteur de tous, pas seulement des catholiques ».

Le lendemain, une prière nationale a été retransmise en direct depuis la cathédrale Sainte-Marie, rassemblant fidèles, diplomates et représentants de diverses confessions religieuses. Une manière, sans doute, pour le Kazakhstan de réaffirmer son attachement au dialogue interreligieux et à la figure pontificale.

pape François et Kassym-Jomart Tokaïev

Pas un simple hommage : une reconnaissance géopolitique

On aurait tort de voir dans la réaction de Kassym-Jomart Tokaïev un simple hommage funèbre. Il s’agit aussi d’un positionnement géopolitique. Car accueillir un pape, le rencontrer à plusieurs reprises, le saluer comme un « défenseur de l’harmonie » et consacrer une cérémonie nationale à sa mémoire, c’est envoyer un message clair au monde. Le Kazakhstan veut se poser comme plateforme de dialogue des civilisations, capable de recevoir les voix les plus influentes de la diplomatie spirituelle.

Et pendant que d’autres États hésitent encore à ouvrir leurs portes aux symboles religieux universels, le Kazakhstan, lui, dresse des autels, tend des mains, et fait son deuil en grande pompe.

Newsletter

Pour rester informé des actualités de l’Asie centrale