Sous la menace d’une nouvelle crise des déchets, le Kazakhstan envisage d’interdire l’exportation de ses plastiques PET. Derrière cette mesure en apparence pragmatique se cache une impasse industrielle mêlant dépendance extérieure, tensions politiques et inertie administrative.
Le PET, une matière première convoitée
Le 21 avril 2025, le ministre de l’Industrie et de la Construction du Kazakhstan, Ersaïn Nagaspayev, a déclaré que son ministère étudiait « la possibilité d’introduire une interdiction d’exportation des déchets de polyéthylène téréphtalate (PET) depuis le Kazakhstan ». Cette annonce, révélée dans une réponse à une question parlementaire, fait suite à une mobilisation croissante des industriels locaux du recyclage, étranglés par une pénurie chronique de PET.
Car si le Kazakhstan ne produit pas ce plastique en amont, il en dépend entièrement pour la fabrication de biens courants. Or, paradoxalement, les déchets collectés sur son territoire prennent régulièrement le chemin de l’exportation, notamment vers l’Ouzbékistan ou la Russie. Une aberration économique que les recycleurs dénoncent depuis des années.
Lors d’un déplacement dans la zone industrielle de Badam (région du Turkestan), le député Serik Yerubaev a constaté qu’« une usine de recyclage PET ne tourne qu’à 50% de sa capacité ». Et d’ajouter : « En mai 2022, un moratoire de six mois sur l’exportation des déchets PET avait permis une relance immédiate de la production locale. Dès sa levée, tout s’est écroulé ».
Recyclage de PET au Kazakhstan : entre ambitions nationales et réalités techniques
Le recyclage des bouteilles PET s’impose comme une priorité écologique et industrielle dans un pays qui produit plus de 855.000 tonnes de plastiques par an. En 2022, 66% de ces déchets provenaient des emballages, et seuls 296.000 tonnes ont été traitées, la majorité restant enfouie ou incinérée. Le paradoxe, c’est que malgré ce gisement considérable, les installations kazakhstanaises de recyclage tournent au ralenti, faute d’une stratégie claire d’approvisionnement.
L’association « Jasyl Damu », en charge de l’application des obligations élargies des producteurs, a participé à une réunion avec les ministères de l’Écologie et de l’Industrie. Objectif : identifier des mesures de soutien au secteur. Les professionnels y ont réclamé « la suppression de la TVA pour les activités de gestion des déchets » et « l’élargissement des mécanismes d’aide publique à la filière de recyclage », a fait savoir le ministre.
Mais le ministère de l’Écologie se montre moins enthousiaste. Pour ses experts, toute interdiction « doit être précédée d’une évaluation rigoureuse des capacités nationales de traitement ». Une interdiction sans solution de repli créerait un risque : celui de voir les déchets s’accumuler, faute d’infrastructures capables de les absorber.
Une décision suspendue entre logique économique et prudence écologique
Ce que redoutent les opérateurs, c’est une nouvelle politique du sparadrap : on interdit sans créer d’alternative durable. Et pendant ce temps, les usines survivent, les déchets voyagent, et le Kazakhstan laisse filer entre ses doigts une matière première pourtant stratégique. Si l’intention de rapatrier le PET est salutaire, elle ne suffira pas à elle seule. L’absence d’incitations fiscales, de coordination entre ministères et d’investissement dans le tri et la collecte continue de freiner toute dynamique circulaire.
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