Le Kazakhstan, nouveau quartier général de la CNPC pour l’Asie centrale
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Une discrète manœuvre, un million de dollars de capital social, un nom générique et une adresse dans un business center. Il n’en fallait pas plus pour raviver l’appétit chinois au cœur de l’Asie centrale. Et cette fois, la CNPC ne fait pas dans la demi-mesure.

Le 18 avril 2025, la China National Petroleum Corporation (CNPC) a officiellemet immatriculé son entité « CNPC Central Asia Ltd. » au Centre Financier International d’Astana (AIFC), une structure flambant neuve aux contours stratégiques. Ce mouvement, en apparence anodin, pourrait bien redéfinir l’équilibre des forces pétrolières en Asie centrale. Derrière cette décision se profile la volonté assumée de la CNPC d’asseoir un peu plus son hégémonie régionale.

CNPC au Kazakhstan : un géant discret mais omniprésent

Que pèse la CNPC au Kazakhstan ? En réalité, tout ou presque. Depuis les années 1990, Pékin a méthodiquement bâti un empire énergétique dans cette ex-république soviétique riche en hydrocarbures. Le groupe chinois contrôle aujourd’hui 100% de CNPC-Aktobemunaigas, opérateur historique dans l’oblast d’Aktobe. À cela s’ajoutent 77% de PetroKazakhstan Kumkol Resources, actif dans la région de Kyzylorda, ainsi que 49,72% de la raffinerie de Shymkent via PetroKazakhstan Oil Products. Rien que ça.

Et ce n’est pas tout : la CNPC possède 8,33% du consortium NCOC, l’opérateur du méga-gisement offshore de Kashagan, et détient aussi des parts dans plusieurs compagnies de pipelines. Une emprise tentaculaire, soigneusement tissée au fil des décennies, avec la bénédiction tacite des autorités kazakhstanaises.

CNPC Central Asia Ltd. : plaque tournante régionale

En apparence, CNPC Central Asia Ltd., immatriculée avec un capital social d’un million de dollars et domiciliée dans le centre d’affaires « Pékin Palace » à Astana, ne paie pas de mine. Mais cette société a une vocation précise : devenir le bras opérationnel de la CNPC pour la gestion de ses filiales et investissements dans toute l’Asie centrale, incluant le Kazakhstan, le Turkménistan, l’Ouzbékistan, le Kirghizstan et le Tadjikistan.

Le PDG de cette nouvelle entité n’est autre que Chen Huailong, nommé en octobre 2024 à la tête des opérations de CNPC pour l’Asie centrale et la Russie. Il avait alors rencontré Aschat Kassenov, président du géant national KazMunayGas, preuve de l’alignement stratégique entre Pékin et Astana. Selon le registre des sociétés kazakhstanais, l’activité principale de la nouvelle entité est la gestion et le contrôle des filiales dans les pays d’Asie centrale.

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Hydrocarbures, pipelines, influence : un triangle stratégique

L’implantation de CNPC Central Asia Ltd. ne répond pas qu’à un besoin bureaucratique. Elle s’inscrit dans une volonté de centralisation et de rationalisation des actifs régionaux de la CNPC. Un changement de gouvernance ? Plutôt une reconfiguration silencieuse, mais lourde de sens.

Le Kazakhstan constitue le nœud logistique et énergétique des ambitions chinoises. Grâce à l’oléoduc Kazakhstan–Chine, dont CNPC détient 50% aux côtés de KazTransOil, Pékin importe chaque année jusqu’à 20 millions de tonnes de brut kazakh. Sans parler du gazoduc Asie centrale–Chine, véritable artère énergétique qui serpente depuis le Turkménistan, traverse l’Ouzbékistan et le Kazakhstan pour alimenter les provinces chinoises.

En d’autres termes : CNPC n’est pas qu’un investisseur. C’est l’un des architectes du corridor énergétique eurasiatique, dont Astana est devenue l’un des pivots essentiels.

Production et modernisation : les chiffres qui parlent

En 2025, les sociétés PetroKazakhstan Kumkol Resources et Turgai Petroleum, toutes deux liées à la CNPC, projettent de produire 86.200 tonnes et 151.500 tonnes de brut sur le gisement de Kumkol, dans l’oblast d’Ulytau. Ce n’est pas une coïncidence. Ces volumes viennent s’ajouter à ceux de CNPC-Aktobemunaigas, déjà colossaux, et s’insèrent dans une stratégie de rentabilité maximale.

Côté raffinage, la CNPC a injecté plusieurs milliards de dollars dans la modernisation de la raffinerie de Shymkent, désormais conforme aux normes environnementales K-5, équivalentes aux standards européens.

Une mainmise tranquille mais assumée

La création de CNPC Central Asia Ltd. sonne comme le dernier jalon d’une stratégie d’intégration verticale bien huilée : exploration, production, transport, raffinage. L’ensemble du cycle des hydrocarbures est désormais sous contrôle partiel ou total de la CNPC sur le territoire du Kazakhstan.

Le tout, dans un cadre de coopération bilatérale soigneusement entretenu. La CNPC a d’ailleurs signé en 2023 un accord stratégique avec le ministère de l’Énergie kazakh, incluant l’expansion des capacités de transport et la construction d’une usine de traitement du gaz acide sur le site de Kashagan.

Officiellement, CNPC Central Asia Ltd. ne serait qu’une holding de gestion. Officieusement, elle pourrait bien devenir le centre de commandement de l’expansion énergétique chinoise en Asie centrale. Au Kazakhstan, où les ressources pétrolières représentent un enjeu de souveraineté autant que de développement, cette initiative résonne comme un coup de maître silencieux mais décisif. Reste à savoir comment Astana, tiraillée entre Pékin, Moscou et Bruxelles, saura préserver son autonomie dans ce jeu à plusieurs milliards.

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