La musique kazakhstanaise fait son retour sur Instagram et Facebook
La musique kazakhstanaise fait son retour sur Instagram et Facebook

Elle avait disparu sans explication. Elle revient par la grande porte. Entre accords de licences, pressions institutionnelles et intérêts culturels, la musique kazakhstanaise refait surface dans l’univers tentaculaire de Meta. Mais pour combien de temps ?

Depuis la semaine du 7 avril 2025, les utilisateurs kazakhstanais peuvent à nouveau associer leurs photos, vidéos et stories à des morceaux musicaux locaux sur Instagram et Facebook. Une évolution attendue depuis la disparition brutale de ces contenus en novembre 2024. L’élément déclencheur ? La signature d’un accord de licence d’une durée de deux ans entre Meta (la multinationale propriétaire de Facebook et Instagram) et la Société kazakhstanaise des auteurs, l’organisme national de gestion des droits d’auteur.
« Les restrictions rencontrées en novembre dernier étaient dues à l’expiration des contrats de licence. Sans ces accords en vigueur, l’utilisation des œuvres musicales sur les plateformes numériques constitue une violation de la loi », a rappelé Sholpan Abdreeva, présidente du Comité pour la propriété intellectuelle, dans un entretien au média kazakhstanais Kursiv.

Musique kazakhstanaise : une question de droits, mais aussi d’identité

Le blocage, bien que purement juridique, avait suscité une onde d’incompréhension. En réalité, l’interruption de la diffusion des œuvres locales sur les services de Meta s’expliquait par une stricte application du droit : sans contrat, pas de diffusion. Ce qu’ont confirmé les autorités kazakhstanaises : « La législation nationale et internationale exige des contrats directs avec les auteurs ou les organismes qui les représentent », précisait encore Sholpan Abdreeva.

Mais derrière cette justification se cache une autre vérité : l’effacement de la musique kazakhstanaise, c’était aussi la disparition d’un pan entier de l’identité culturelle du pays, de ses artistes et de sa présence dans le monde numérique. Une situation à laquelle le ministère de la Justice a finalement décidé de réagir.

Meta, négociations, diplomatie : deux années de sursis pour la culture kazakhstanaise

Le retour de la musique kazakhstanaise n’a pas été le fruit d’un simple échange d’e-mails. Le processus a nécessité l’intervention directe du gouvernement kazakhstanais. « Nous savions qu’il ne s’agissait pas seulement de détails juridiques. Il en allait de la défense des intérêts de nos auteurs, du respect de la légalité dans le numérique, et de l’accès culturel de millions d’utilisateurs », a fait savoir Sholpan Abdreeva.

Selon les informations de Orda.kz, Meta aurait montré une certaine réactivité et une « ouverture au dialogue » face aux propositions du gouvernement, ce qui a permis de débloquer une situation jusqu’alors figée. Résultat : un contrat valable deux ans, réactivant immédiatement les catalogues kazakhstanais sur les plateformes du groupe. Les morceaux de Dequine, du groupe Dos-Mukasan, de Kazibek Kuraysh, de De Lacure ou encore d’Ernara Amandyk sont ainsi de nouveau accessibles dans les bibliothèques musicales d’Instagram et Facebook.

Et après ? Le flou inquiétant du post-contrat

Mais cette victoire, bien que célébrée, a une date d’expiration : avril 2027. Et rien ne garantit qu’un nouvel accord sera signé d’ici là. Ce qui se passera ensuite dépendra d’une nouvelle vague de négociations. L’instabilité juridique des droits de diffusion reste donc un caillou dans la chaussure des artistes kazakhstanais.

Dans l’intervalle, le Kazakhstan envisage de créer une plateforme numérique de traçabilité des redevances, permettant aux auteurs de suivre l’utilisation de leurs œuvres en ligne. Cette réforme, rapportée par Tengrinews.kz, viserait à éviter les zones grises contractuelles qui ont mené à la crise de 2024.

Meta et l’arbitraire du silence musical

Pourquoi Meta a-t-elle laissé les contrats expirer sans préavis ? Pourquoi les morceaux locaux ont-ils disparu du jour au lendemain sans communication publique ? Les plateformes ont l’art de ne rien dire, de tout suspendre, puis de tout réactiver sans plus d’explication. Une absence de transparence qui agace les utilisateurs autant que les ayants droit. D’autant plus que ces décisions, invisibles mais lourdes de conséquences, modèlent de manière invisible l’accès à la culture dans le monde numérique.

Le numérique comme nouvel espace de souveraineté culturelle

Derrière cette affaire, se joue une bataille beaucoup plus vaste : celle de la souveraineté culturelle dans l’espace numérique mondialisé. Le Kazakhstan, par sa réaction rapide, a réussi à réimposer sa présence musicale dans l’écosystème Meta. Mais pour combien de temps ?

Illustration www.freepik.com.

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