Festival à Tachkent : la France accorde ses notes avec l’Ouzbékistan
Festival de musique française à Tachkent

Du 11 au 30 avril 2025, Tachkent, la capitale ouzbèke, vibre au rythme d’un festival où la France ne joue pas les seconds violons. Officiellement baptisé « Festival de musique française », cet événement s’impose d’emblée comme une vitrine éclatante de la coopération culturelle entre la France et l’Ouzbékistan. Et non, ce n’est pas juste une affaire de jolis sons et de concerts bien habillés.

Une programmation ciselée comme un Ravel

Depuis le 11 avril 2025, le ton est donné : Nathalie Marin, cheffe d’orchestre de renommée européenne, dirige le Grand Orchestre symphonique de l’Ouzbékistan dans un concert d’ouverture à la grande salle de la Conservatoire d’État. Une démonstration de force ? Plutôt une offrande musicale soigneusement élaborée, avec dans ses bagages Debussy, Fauré, Ravel ou encore Saint-Saëns.

Le programme – dense, divers, exigeant – s’échelonne sur neuf soirées thématiques. Le 14 avril 2025, place aux bois français, le 16 au piano incandescent de François Chaplin, le 19 à l’orgue majestueux de Jean-Baptiste Robin, l’organiste officiel du château de Versailles, rien que ça. Et que dire de la clôture, le 30 avril, orchestrée par Kamoliddin Urinbaev, directeur artistique local ? On a vu moins solennel.

Ce festival n’est pas une parenthèse : c’est une plongée entière dans l’écosystème musical français, entre musique de chambre, duos pianistiques, vocalises baroques, cuivres tonitruants et concerts instrumentaux hybrides. Le tout enrichi de masterclasses accessibles aux étudiants, gage d’un véritable transfert de savoir.

Une alliance franco-ouzbèke qui se joue en duo

Ce festival ne tombe pas du ciel. Il est l’aboutissement d’un partenariat entamé en 2022, quand l’Ambassade de France à Tachkent et la Conservatoire nationale signaient un accord de coopération, avec à la clé une dizaine de concerts conjoints chaque année. À l’époque, cela paraissait ambitieux. En 2025, c’est devenu structurant.

« Nous créons pour les jeunes musiciens des conditions de travail avec des artistes français, et facilitons les échanges académiques », a affirmé Orelia Bouchez, ambassadrice de France en Ouzbékistan, lors de la conférence de presse inaugurale, précisant que le partenariat inclut désormais l’école Alfred Cortot de Paris.

Le cas du jeune pianiste Bakhoir Chamsiddinov, admis à la prestigieuse Conservatoire de Versailles après avoir assisté à une masterclasse de Chaplin trois ans plus tôt, illustre cette dynamique vertueuse. Comme quoi, une leçon peut parfois valoir un visa d’excellence.

Quand la diplomatie s’accorde en mode majeur

Ne soyons pas naïfs : ce festival est aussi un outil d’influence. Et il le revendique. Il s’inscrit dans un contexte diplomatique plus large : le 2025 marque la montée en puissance du partenariat stratégique entre la France et l’Ouzbékistan, entériné par les présidents Emmanuel Macron et Shavkat Mirziyoyev à Paris en mars 2025.

L’art ici devient un langage diplomatique, voire géopolitique. La culture s’impose comme un levier visible, humain, immédiat. « La culture permet de concrétiser nos efforts », a souligné Bouchez, évoquant au passage les expositions ouzbèkes au Louvre et les concerts de musique traditionnelle en France.

Cerise sur le gâteau : la participation d’artistes ouzbeks au Festival d’Avignon en juillet 2025, symbole d’une réciprocité affirmée. L’objectif ? Sortir du schéma de la diffusion unilatérale et instaurer un dialogue artistique bilatéral. Le tout sous l’œil complice de la Philharmonie de Paris.

Pas qu’un festival, un manifeste culturel

Ce rendez-vous ne se limite pas aux seules notes : il inclut aussi deux conférences majeures. D’un côté, une rencontre scientifique pour la jeunesse, de l’autre, un colloque international sur le dialogue Est-Ouest dans la création artistique. Avec à l’affiche les commémorations des anniversaires de Fauré, Dukas, Ravel et Saint-Saëns, on frôle l’encyclopédie vivante.

On le comprend : à Tachkent, ce festival est bien plus qu’un événement culturel. Il est la métaphore d’un monde qui se parle encore, par la musique, quand le reste géopolitique s’égare parfois dans des silences embarrassants. À l’heure où les relations internationales se durcissent, voir un orgue de Versailles résonner sous les coupoles d’Asie centrale, c’est tout sauf anodin.

Illustration www.freepik.com.

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