Le Kirghizstan vient d’entamer une réforme législative visant à imposer un encadrement des lieux de culte sur son territoire. L’objectif ? Mettre en place un permis de construire spécifique pour les édifices religieux, notamment les mosquées, afin d’en limiter la prolifération anarchique.
Permis de construire : une nécessité face à l’emballement religieux
Depuis 2021, le gouvernement kirghize recense une explosion de lieux de culte construits sans autorisation. Lors de la campagne de régularisation entamée cette année-là, 644 édifices non enregistrés avaient été identifiés. Pire : en 2023, plus de 200 nouvelles constructions religieuses étaient en cours, toujours sans validation.
La Commission d’État pour les affaires religieuses dénonce un développement « massif et désordonné » de mosquées et églises. Comme elle le rappelle dans un projet de décret publié pour consultation publique : « souvent, dans un même village, jusqu’à dix lieux de culte coexistent à quelques mètres de distance ». Une densité jugée délirante, qui justifie l’instauration de distances minimales obligatoires entre chaque structure religieuse.
Les mosquées, trop nombreuses pour être ignorées ?
La nouvelle réglementation prévoit une distance minimale entre deux édifices religieux : 2.000 mètres dans les villages, 3.000 dans les districts ruraux, et jusqu’à 4.000 mètres dans les zones urbaines. Ces limites ne s’appliqueront pas rétroactivement. Le décret exempte les constructions antérieures.
Mais cette mesure soulève de nombreuses questions. Faut-il encadrer le religieux comme on régule les supermarchés ? Est-ce le rôle d’un permis de construire de contenir la foi ou de structurer l’espace public ? Derrière la technique, c’est bien une vision du vivre-ensemble qui se joue.
Le ministère du Développement régional souhaite caler les futures constructions religieuses sur la base de la démographie locale. En d’autres termes, une mosquée ne pourra voir le jour que si une « demande réelle » peut être démontrée. Un retour au calcul des âmes pour ériger des lieux de prière ?
Urbanisme sacré, religion encadrée
Si le décret est adopté, le ministère de la Construction devra ajuster les normes architecturales et les procédures de transformation, d’agrandissement ou de reconversion des mosquées et temples existants.
Au-delà de l’urbanisme, le gouvernement veut clairement reprendre la main sur une dynamique religieuse échappant à tout contrôle. « Le projet vise à organiser l’espace cultuel, pas à restreindre la liberté de religion », affirme une source proche du ministère citée par le média en ligne Kaktus. Une ligne de crête périlleuse, entre encadrement et suspicion.
Quand la foi se mesure en mètres carrés
Ce débat révèle la difficulté, pour un État laïque en apparence, de gérer une poussée religieuse diffuse. Dans une région où la foi se vit au quotidien, qui décidera de ce qu’est une « demande raisonnable » ?
Au final, le permis de construire devient un outil politique autant qu’un levier urbanistique. Et chaque coup de pelle pour une future mosquée pourrait bien devenir un acte éminemment public.