La Banque mondiale finance la résurrection des paysages ouzbeks
forêts

Alors que les forêts se raréfient et que les sols se fissurent, un pays d’Asie centrale s’apprête à restaurer ses paysages sous perfusion internationale. Derrière les slogans verts, que se cache-t-il vraiment ?

Le 7 avril 2025, à Samarcande, un programme de restauration des forêts a été lancé en Ouzbékistan, avec comme pierre angulaire un financement de 153 millions de dollars alloué par la Banque mondiale. Derrière cette enveloppe aux accents humanitaires se cache une stratégie climatique régionale ambitieuse, qui place les forêts au centre de la diplomatie environnementale en Asie centrale.

Reboisement massif : les forêts au cœur de la stratégie ouzbèke

L’opération, présentée en grande pompe lors du Forum international sur le climat à Samarcande, vise à ressusciter les forêts et les terres dégradées de six régions : Samarcande, Djizak, Kachkadaria, Namangan, Syr-Daria et Sourkhan-Daria. C’est une reconquête territoriale par la chlorophylle, financée par la Banque mondiale à hauteur de 142 millions de dollars via l’Association internationale de développement (IDA), complétée par 8 millions issus du fonds PROGREEN et 3 millions du Korea World Bank Partnership Facility.
Selon le ministère ouzbek de l’Écologie, ce projet permettra notamment de restaurer 176.000 hectares de forêts, de réhabiliter 38.500 hectares de pâturages, et d’introduire des techniques d’économie d’eau sur 15 000 hectares de massifs montagneux. Plus qu’un verdissement symbolique, il s’agit d’une refondation des paysages, avec à la clef l’aménagement de 5.000 hectares de forêts industrielles et de surfaces dédiées aux plantes médicinales.

Objectif 2030 : plus de forêts, moins d’érosion

Le projet s’inscrit dans la droite ligne de la stratégie « Concept du dévekoppement du système forestier de l’ouzbékistan d’ici 2030 », visant une expansion des forêts à 6,1 millions d’hectares d’ici la fin de la décennie. Aujourd’hui, à peine 10,6% du territoire ouzbek est boisé. Aziz Abdukhakimov, le ministre ouzbek de l’Écologie, a déclaré sans ambages : « Le projet que nous avons lancé avec la Banque mondiale aidera le gouvernement à atteindre les objectifs de la stratégie de développement du secteur forestier de l’Ouzbékistan à l’horizon 2030 ».

Une diplomatie verte aux racines transfrontalières

Ce programme ne s’arrête pas aux frontières du pays : il s’inscrit dans un projet régional de restauration écologique impliquant le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan et le Turkménistan. Une stratégie subtilement géopolitique, maquillée en engagement écologique.

Pour Tatyana Proskuryakova, directrice régionale de la Banque mondiale pour l’Asie centrale, « grâce à ce nouveau projet, le pays rejoindra le programme “Restauration de paysages durables en Asie centrale ». Le message est clair : les forêts deviennent un outil d’intégration régionale, un levier de coopération sur des zones transfrontalières de plus en plus menacées par la désertification.

Des arbres contre la pauvreté et pour le tourisme

Au-delà de l’écologie, ce programme cache aussi une ambition socio-économique. Les actions incluent l’appui aux petites entreprises rurales, la formation des agriculteurs, l’amélioration de la gestion des parcs naturels et le développement de l’écotourisme. En ligne de mire : la création de centres touristiques, de campings, de zones de loisirs, et la mise en réseau d’infrastructures autour des forêts protégées.

L’Agence nationale des forêts – dépendante du ministère de l’Écologie – est chargée de la mise en œuvre. Elle planche déjà sur la création de la première base de données unifiée sur les forêts ouzbèkes et d’une plateforme numérique pour en faciliter la gestion.

Pas de miracle vert sans rigueur technique

Il faudra plus qu’une pluie de dollars pour relever les défis posés par la déforestation, l’érosion et l’aridité croissante. L’Ouzbékistan a beau se targuer de succès dans la reforestation du lit asséché de la mer d’Aral, les incendies, parasites et maladies fongiques progressent plus vite que les feuilles.

Ce plan de reforestation massif est donc autant un signal diplomatique qu’un pari technique. S’il échoue, il renforcera le scepticisme sur l’efficacité des grands projets climatiques menés de l’extérieur. S’il réussit, il pourrait transformer l’Ouzbékistan en modèle régional de gouvernance environnementale – et faire taire ceux qui y voient un simple « greenwashing » institutionnel.

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