L’Asie Centrale, une région stratégique en pleine transformation énergétique, fait face à un double défi majeur: la prévision d’une pénurie d’eau d’ici 2028-2029 et la nécessité croissante d’énergie, en particulier d’électricité. Selon Nikolai Podguzov, président du conseil d’administration de la Banque de Développement Eurasiatique (EDB), la pénurie d’eau pourrait atteindre 5 à 12 kilomètres cubes annuellement, alors que la demande en électricité est prévue pour augmenter significativement au cours des dix prochaines années.
La réponse à cette crise imminente semble résider dans le potentiel hydroélectrique de la région, actuellement exploité à moins de 25%. La région compte plus de 80 centrales hydroélectriques avec une capacité installée totale d’environ 14 000 MW. Des projets ambitieux sont en cours, tels que la construction des centrales hydroélectriques Kambaratinskaya HPP-1 au Kirghizistan et Rogunskaya HPP au Tadjikistan, qui devraient ajouter respectivement 1 860 MW et 3 600 MW à la capacité régionale.
Le barrage de Rogun, soutenu par l’assistance technique de la société italienne Webuild, devrait devenir opérationnel d’ici 2032 et doubler la capacité de production électrique du Tadjikistan, tandis que le barrage de Kambar-Ata, malgré un stade précoce de développement et un besoin de financement supplémentaire, représente un espoir pour le secteur hydroélectrique de l’Asie Centrale.
Cependant, le développement de ces infrastructures ne va pas sans défis. Les disputes transfrontalières concernant la répartition de l’eau entre les pays producteurs d’hydroélectricité en amont et les utilisateurs agricoles en aval nécessitent des accords de partage de l’eau clairs et équitables. Une transparence accrue sur l’utilisation des ressources partagées pourrait atténuer les tensions et planifier des mesures préventives pour la disponibilité de l’eau.
Le financement des nouveaux projets reste un défi critique. Malgré le soutien d’institutions telles que la Banque mondiale et la Banque Asiatique de Développement, des investissements supplémentaires sont essentiels pour exploiter pleinement le potentiel énergétique propre de la région. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a poussé les gouvernements d’Asie Centrale à diversifier leurs dépendances énergétiques, ouvrant la porte à de nouveaux partenariats avec la Chine et l’Union Européenne.
Cet investissement de plus de 400 millions de dollars de la EDB dans le complexe hydrique et énergétique de l’Asie Centrale au cours des trois prochaines années peut donc être vu non seulement comme un impératif écologique mais aussi comme une manœuvre stratégique dans une région où la géopolitique de l’énergie est en rapide évolution.